Beret...
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Beret...
Béret.
Quand il est arrivé dans ce petit village viticole bourguignon, avec son extravagante moustache en forme de crocs de morse, surmontée de son béret basque vissé éternellement sur la tête et qu'il a ouvert son tout petit commerce d'épicerie fine, de vins fins, de rhums arrangés... personne n'aurait parié un centime sur lui. Ses prix, sans être excessifs, correspondaient bien à la qualité et à la rareté de ses produits, mais qui avait, ici, son portefeuille suffisamment rempli pour ces fantaisies ? C'était d'un luxe !
Et pourtant ! Un an après il prenait en location la boucherie qui avait fermé et étendait ainsi son activité. Il avait réussi à fixer sa clientèle. Peut-être sa gentillesse, son sourire, sa moustache, et son comportement commerçant et rieur, à mille lieues de l'esprit d'épicier, vous savez, de celui qui cache la machine à calculer qu'il a entre ses oreilles par l'énorme crayon posé sur celle de droite, toujours prêt à aligner les chiffres sur le papier-ticket. Jamais on ne l'entendait prononcer le fameux « et avec ça ? ». Il ne racolait pas.
Encore deux ans et il reprenait, à la satisfaction de tous, le bar-restaurant, fermé depuis quatre ans.
Tout le monde l'appréciait et l'appelait Béret. Il le savait, et en riait. Sûr qu'il dormait avec. En tout cas, il devait en posséder plusieurs car il était toujours propre, jamais décati ni lustré.
Il avait été adopté et en était heureux.
Seul Angello, le pizzaiolo ambulant, lui battait froid. Il ne le fréquentait pas, mais l'observait. L'épiait même. Lui seul, peut-être, savait pourquoi. Mais il lui fallut bien se résigner, en somme. Se rendre à l'évidence : Ce « Béret » et sa moustache étaient tout de même bien sympathiques. Alors, un soir, il se rendit prendre un repas chez lui. Décidément, non, sa tête ne lui revenait pas. Elle avait quelque chose qui le gênait.
Un après-midi de novembre, une limousine noire, aux vitres surteintées est venue rôder dans le village. Elle est passée deux fois devant ses commerces, mais il ne l'avait pas vue.
Il ne la vit pas non plus, garée dans une rue adjacente, quand il rentra chez-lui après la fermeture du bar, vers les une heure du matin. À peine entré, il sut que quelque chose clochait. Il y avait dans l'air un parfum d'eau de toilette italienne qu'il n'avait que trop humé. Quand il pénétra dans le salon, il vit immédiatement les deux « invités » en costume trois pièces cravate assis sur les fauteuils Club en cuit Connolly, si confortables, si élégants, si cosys... Le troisième qui était derrière la porte la ferma violemment d'un coup de pied et, le menaçant de son Beretta le força à s'asseoir sur la table du salon. Une table splendide. Une œuvre d'art. En bois fossilisé qui ressemblait à de l'agate, importé d'Afrique, hors de prix, comme il s'en vendait dans les années quatre-vingt-dix, avant que leurs ventes ne soient interdites.
Inutile de préciser qu'il savait ce qui l'attendait. Pourtant, il n'avait pas perdu son sourire.
— Comment ça va, depuis le temps ? Dix ans, hein ? Je vois que ça va bien pour toi. Alors comme ça, tu es désormais « Béret » ! tu avais honte de ton nom , dis, Doumé Paléoti ? Tu nous as fait bien chercher mais, tu vois, on a fini par te retrouver. Tiens, prends donc cette tablette et regarde !
L'écran était coupé en trois : En bas, à gauche, l'épicerie fine, à droite, la boucherie. En haut tout en largeur, le bar-restaurant. Regarde le bouton vert, là. Tiens, amuse-toi. Il te fait de l’œil. Appuie dessus ! Il hésita mais le canon du Beretta sur sa tempe le fit obtempérer. Les trois commerces explosèrent instantanément.
— Bon, voilà une bonne chose de faite. Pas vrai, Doumé ? La suivante maintenant. Si, si, c'est pour moi, ça me fait plaisir... ...
Il n'entendit pas le bruit de la balle qui lui traversa le cerveau.
Le lendemain, le village était consterné. Les grosses explosions avaient pulvérisé les trois commerces, brisé bien des vitres, et endommagé six voitures. Puis le meurtre de Béret... un homme si sympathique et si bien intégré ! .
L'enquête menée par les gendarmes surprit pas sa rapidité. Dans les deux jours, on apprit que la limousine, pourtant immatriculée dans le 29, avait été louée à Monaco. La société qui l'avait proposée était une société-écran, mais l'enquête démontra qu'elle appartenait à Giuseppe Pécorino, un parrain dont l'activité se partageait entre Ajaccio, Naples, Marseille, Lyon, et Paris. Et la société qui l'avait prise en location apparteait à un certain Pécorino Giuseppe.
Le Pécorino en question, lui, moisissait en prison depuis dix ans.
Alors qu'il tournait méchamment et avec insistance autour de sa fille, Béret, son bras doit avait franchi le pas et, devenant un repenti, n'avait pas hésité à le donner.
Béret ! Un mafieux repenti ! Comment est-ce possible, lui, si aimable ! Si souriant, et avec une moustache tellement amusante ! Il permettait même aux enfants de moins de deux ans de jouer avec...
Sa fille, durant sa cavale, était rapidement passée de vie à trépas. Un accident tout bête. Imprévisible, comme tout accident : sa voiture avait dérapé sur une plaque de verglas un 18 août, du côté de Nice. Et comme l'auto n'était pas chaussée d'après-ski...
Le village se chargea de l'accompagner à sa dernière demeure et ne l'oublia pas. Malgré les divergences politiques des membres du conseil-municipal, c'est à l’unanimité que fut prise la décision de rebaptiser la rue de son domicile en Rue de Béret.
Je ne mens pas. Si vous passez par là, allez donc voir...
Quand il est arrivé dans ce petit village viticole bourguignon, avec son extravagante moustache en forme de crocs de morse, surmontée de son béret basque vissé éternellement sur la tête et qu'il a ouvert son tout petit commerce d'épicerie fine, de vins fins, de rhums arrangés... personne n'aurait parié un centime sur lui. Ses prix, sans être excessifs, correspondaient bien à la qualité et à la rareté de ses produits, mais qui avait, ici, son portefeuille suffisamment rempli pour ces fantaisies ? C'était d'un luxe !
Et pourtant ! Un an après il prenait en location la boucherie qui avait fermé et étendait ainsi son activité. Il avait réussi à fixer sa clientèle. Peut-être sa gentillesse, son sourire, sa moustache, et son comportement commerçant et rieur, à mille lieues de l'esprit d'épicier, vous savez, de celui qui cache la machine à calculer qu'il a entre ses oreilles par l'énorme crayon posé sur celle de droite, toujours prêt à aligner les chiffres sur le papier-ticket. Jamais on ne l'entendait prononcer le fameux « et avec ça ? ». Il ne racolait pas.
Encore deux ans et il reprenait, à la satisfaction de tous, le bar-restaurant, fermé depuis quatre ans.
Tout le monde l'appréciait et l'appelait Béret. Il le savait, et en riait. Sûr qu'il dormait avec. En tout cas, il devait en posséder plusieurs car il était toujours propre, jamais décati ni lustré.
Il avait été adopté et en était heureux.
Seul Angello, le pizzaiolo ambulant, lui battait froid. Il ne le fréquentait pas, mais l'observait. L'épiait même. Lui seul, peut-être, savait pourquoi. Mais il lui fallut bien se résigner, en somme. Se rendre à l'évidence : Ce « Béret » et sa moustache étaient tout de même bien sympathiques. Alors, un soir, il se rendit prendre un repas chez lui. Décidément, non, sa tête ne lui revenait pas. Elle avait quelque chose qui le gênait.
Un après-midi de novembre, une limousine noire, aux vitres surteintées est venue rôder dans le village. Elle est passée deux fois devant ses commerces, mais il ne l'avait pas vue.
Il ne la vit pas non plus, garée dans une rue adjacente, quand il rentra chez-lui après la fermeture du bar, vers les une heure du matin. À peine entré, il sut que quelque chose clochait. Il y avait dans l'air un parfum d'eau de toilette italienne qu'il n'avait que trop humé. Quand il pénétra dans le salon, il vit immédiatement les deux « invités » en costume trois pièces cravate assis sur les fauteuils Club en cuit Connolly, si confortables, si élégants, si cosys... Le troisième qui était derrière la porte la ferma violemment d'un coup de pied et, le menaçant de son Beretta le força à s'asseoir sur la table du salon. Une table splendide. Une œuvre d'art. En bois fossilisé qui ressemblait à de l'agate, importé d'Afrique, hors de prix, comme il s'en vendait dans les années quatre-vingt-dix, avant que leurs ventes ne soient interdites.
Inutile de préciser qu'il savait ce qui l'attendait. Pourtant, il n'avait pas perdu son sourire.
— Comment ça va, depuis le temps ? Dix ans, hein ? Je vois que ça va bien pour toi. Alors comme ça, tu es désormais « Béret » ! tu avais honte de ton nom , dis, Doumé Paléoti ? Tu nous as fait bien chercher mais, tu vois, on a fini par te retrouver. Tiens, prends donc cette tablette et regarde !
L'écran était coupé en trois : En bas, à gauche, l'épicerie fine, à droite, la boucherie. En haut tout en largeur, le bar-restaurant. Regarde le bouton vert, là. Tiens, amuse-toi. Il te fait de l’œil. Appuie dessus ! Il hésita mais le canon du Beretta sur sa tempe le fit obtempérer. Les trois commerces explosèrent instantanément.
— Bon, voilà une bonne chose de faite. Pas vrai, Doumé ? La suivante maintenant. Si, si, c'est pour moi, ça me fait plaisir... ...
Il n'entendit pas le bruit de la balle qui lui traversa le cerveau.
Le lendemain, le village était consterné. Les grosses explosions avaient pulvérisé les trois commerces, brisé bien des vitres, et endommagé six voitures. Puis le meurtre de Béret... un homme si sympathique et si bien intégré ! .
L'enquête menée par les gendarmes surprit pas sa rapidité. Dans les deux jours, on apprit que la limousine, pourtant immatriculée dans le 29, avait été louée à Monaco. La société qui l'avait proposée était une société-écran, mais l'enquête démontra qu'elle appartenait à Giuseppe Pécorino, un parrain dont l'activité se partageait entre Ajaccio, Naples, Marseille, Lyon, et Paris. Et la société qui l'avait prise en location apparteait à un certain Pécorino Giuseppe.
Le Pécorino en question, lui, moisissait en prison depuis dix ans.
Alors qu'il tournait méchamment et avec insistance autour de sa fille, Béret, son bras doit avait franchi le pas et, devenant un repenti, n'avait pas hésité à le donner.
Béret ! Un mafieux repenti ! Comment est-ce possible, lui, si aimable ! Si souriant, et avec une moustache tellement amusante ! Il permettait même aux enfants de moins de deux ans de jouer avec...
Sa fille, durant sa cavale, était rapidement passée de vie à trépas. Un accident tout bête. Imprévisible, comme tout accident : sa voiture avait dérapé sur une plaque de verglas un 18 août, du côté de Nice. Et comme l'auto n'était pas chaussée d'après-ski...
Le village se chargea de l'accompagner à sa dernière demeure et ne l'oublia pas. Malgré les divergences politiques des membres du conseil-municipal, c'est à l’unanimité que fut prise la décision de rebaptiser la rue de son domicile en Rue de Béret.
Je ne mens pas. Si vous passez par là, allez donc voir...
Phil BOTTLE- Messages : 334
Date d'inscription : 06/08/2024
Age : 69
Localisation : Au pays des vents
Lix, pehache et Ray dit Kourgarou aiment ce message
Re: Beret...
Le clan des Pecorino (haha), redoutable !
Une plaque de verglas un 18 août du côté de Nice, hum ?
(Un petit dérapage clavier : fauteuils en cuit --> cuir)
Une plaque de verglas un 18 août du côté de Nice, hum ?
(Un petit dérapage clavier : fauteuils en cuit --> cuir)
Lix- Messages : 924
Date d'inscription : 05/08/2024
Re: Beret...
Du Phil Bottle tout craché ! Pour moi qui ai déjà lu certains de ses textes dans une vie antérieure je retrouve là sa fantaisie et la pirouette habituelle (le verglas à Nice en août).
Pour faire un peu suite à l'histoire du Beretta (que moi-même j'ai possédé quand je pratiquait le 'tir sportif', un 9 mm 92 F), j'ai la blague suivante :
Au bar du troquet du coin entre un client en coup de vent et annonce
- "merde les gars, le René s'est suicidé !"
Un consommateur au bar interroge
- "mais qu'est-ce qui lui est passé par la tête à ce con ?"
Et le premier de répondre
- "ben une balle de 9 mm...."
Pour faire un peu suite à l'histoire du Beretta (que moi-même j'ai possédé quand je pratiquait le 'tir sportif', un 9 mm 92 F), j'ai la blague suivante :
Au bar du troquet du coin entre un client en coup de vent et annonce
- "merde les gars, le René s'est suicidé !"
Un consommateur au bar interroge
- "mais qu'est-ce qui lui est passé par la tête à ce con ?"
Et le premier de répondre
- "ben une balle de 9 mm...."
Dernière édition par Ray dit Kourgarou le 25.10.24 18:43, édité 1 fois
Ray dit Kourgarou- Messages : 49
Date d'inscription : 24/10/2024
Age : 71
Localisation : 1) 93700 Drancy 2) 24400 Issac
pehache aime ce message
Re: Beret...
Faut pas en faire tout un fromage non plus...Lix a écrit:Le clan des Pecorino (haha), redoutable !
Ray dit Kourgarou- Messages : 49
Date d'inscription : 24/10/2024
Age : 71
Localisation : 1) 93700 Drancy 2) 24400 Issac
Phil BOTTLE aime ce message
Re: Beret...
Salut Ray, je te retrouve bien là... et Sam rajeunit...
Phil BOTTLE- Messages : 334
Date d'inscription : 06/08/2024
Age : 69
Localisation : Au pays des vents
Re: Beret...
Pas moi, je viens de franchir les 71 balais et, comme dit ma femme "71 balais ?! Ben tu vas pouvoir faire plus vite le ménage..."Phil BOTTLE a écrit:... Sam rajeunit...
Ray dit Kourgarou- Messages : 49
Date d'inscription : 24/10/2024
Age : 71
Localisation : 1) 93700 Drancy 2) 24400 Issac
Phil BOTTLE aime ce message
Re: Beret...
Quand les bas laids s'emballent, ils en deviennent collants; Bon, mais après tout, pour cent balles t'as plus rien. Alors, comme disent les djeun's, on sent Balek... ben quoi, j'y peux rien si mon chien s'appelle Balek et s'il pue...
Phil BOTTLE- Messages : 334
Date d'inscription : 06/08/2024
Age : 69
Localisation : Au pays des vents
Re: Beret...
Je reviens à ton texte, as-tu fait volontairement une relation entre le 'béret basque' du personnage et le 'beretta' du tueur ? Ou jeu involontaire des mots ?
- oh, quel beau béret t'as Doumé Paléoti ! -
- oh, quel beau béret t'as Doumé Paléoti ! -
Ray dit Kourgarou- Messages : 49
Date d'inscription : 24/10/2024
Age : 71
Localisation : 1) 93700 Drancy 2) 24400 Issac
Re: Beret...
Oeuf corse que je l'ai fait ixpris... t'y mi connis pas?
Phil BOTTLE- Messages : 334
Date d'inscription : 06/08/2024
Age : 69
Localisation : Au pays des vents
Re: Beret...
Justement, c'est parce que je te connais que j'ai posé la question vu que semble-t-il personne n'a relevé cette sorte de coïncidence.
Ray dit Kourgarou- Messages : 49
Date d'inscription : 24/10/2024
Age : 71
Localisation : 1) 93700 Drancy 2) 24400 Issac
Re: Beret...
effectivement, j'avais pas fait gaffe à beret/beretta, bien vu !
Lix- Messages : 924
Date d'inscription : 05/08/2024
Re: Beret...
Je suis un cachottier... ha ha ha...
Phil BOTTLE- Messages : 334
Date d'inscription : 06/08/2024
Age : 69
Localisation : Au pays des vents
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