Jacques Higelin_Je suis la voix

Jacques Higelin_Je suis la voix


Je suis la voix du vent
qui par les nuits d’hiver
se glisse sous la porte
et fait trembler les mères


Je suis la voix si rauque
qu’elle effraie les passants
fait sursauter l’enfant
blotti dans son berceau


La voix du rossignol
par un matin d’hiver
qui s’élance dans l’air
qui déserte l’école


Je suis la voix du sang
celle qui ne fait qu’un tour
lorsqu’une voix d’enfant
l’appelle à son secours


Je suis la voix qui tremble
de peur ou de colère
je suis la voix brisée
de douleur, de regrets


La voix de la sirène
couvrant celle des blessés
le grondement du sol
sous la rue bombardée


Je suis la voix sans forces
qui murmure à l’oreille
des bribes de secrets
rugueux comme une écorce


Je suis la voix aphone
du chanteur épuisé
parce qu’il a trop poussé
à se rompre les cordes


Je suis la voix cassée
de l’homme qui a vécu
trop parlé, trop chanté
trop fumé et trop bu


Qu’a aimé comme un fou…
Enfin, qui a brûlé
sa vie
par les deux bouts