La marche (Un conte de Néandertal, 3)
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La marche (Un conte de Néandertal, 3)
Ils marchent les uns derrière les autres, assez espacés pour éviter l’effet de groupe qui se repèrerait de loin, et ils font parfois de très longs détours pour ne pas se montrer traversant la garrigue ou la lande ou tout autre terre à la végétation basse. Et ils marchent au pas des quelques vieillards de la tribu.
À ce rythme, ils parcourent en quatre jours la distance qu’auraient parcouru en une journée un Nêran ou un Nost seuls. Paru, la doyenne, la plus lente, y pense sans cesse et voudrait leur demander d’abandonner sur le chemin le fardeau qu’elle est. Inutile d’y penser, ils n’accepteront évidemment jamais. Alors elle marche et traine avec elle le boulet de la culpabilité. Tous le savent, et il n’y a rien à faire. Le plus fort des hommes ne pourrait pas la porter longtemps sur son dos car à son âge s’ajoute un certain poids. C’est sans solution. Lors d’une pause, Naviya décide de prendre le risque :
— Je sais que nous pensons tous la même chose, qui finit par nous obséder plus que les Têtes-rondes : Paru est un problème pour tout le monde, à commencer par elle-même, parce qu’elle est vieille et lente et lourde. Je propose que nous la découpions en plein de tout petits morceaux que chacun de nous pourra porter facilement !
Les visages qui s’étaient dans un premier temps sévèrement assombris s’éclairent soudain et les éclats de rire fusent, Paru étant la première à pleurer de rire.
— Mais oui ! Mais oui ! fait-elle, et puis une fois que les morceaux seront découpés, vous n’aurez même plus à les porter, après tout !
— Jurt, tu as du travail, il nous faut des longues lames ! poursuit Naviya.
— Aucune pierre ne viendra à bout de Paru, elle est bien trop solide ! répond Jurt.
La tribu est reconnaissante à Naviya pour avoir su transformer aussi radicalement une situation si pesante. Le cœur léger, ils reprennent la route, Naviya restant près de Paru jusqu’au soir.
La saison est clémente, il dorment à la belle étoile la nuit venue et Nêran, ce soir, est chargé d’entretenir le petit feu qu’ils sont bien obligés d’allumer pour éloigner les animaux. Au risque d’être vus par des Tête-rondes.
Les stocks de viande et de poisson séchés s’amenuisent au bout de plusieurs jours de marche. Le petit gibier qu’on tue de temps à autre ne suffit plus non plus. Il est temps de s’attaquer à du gros gibier, et ce n’est pas ce qui manque. On les voit de plus ou moins loin, ces chevaux, ces bisons, ces rhinocéros. Devant le choix, il faut que Dezul se prononce. Ce dernier sait qu’on va le consulter mais il ne dit rien, il attend et marche. Finalement, c’est Paru qui le rattrape non sans mal pour lui demander :
— Dezul, si je voulais chasser ce matin, que me conseillerais-tu ?
— Sans hésiter, le rhinocéros, Paru, et à la sarbacane !
Les plus vaillants n’ont rien perdu de l’information. Alors non, pas à la sarbacane, évidemment, mais c’est bien le rhinocéros qu’ils iront chercher quand ils auront réuni leurs armes et qu’ils se seront entendus sur un plan d’attaque.
C’est Tohé, Garn et Nêran qui iront et commencent déjà à observer de loin les trois rhinos laineux. Naviya, seulement 15 ans, les regarde et n’a d’yeux que pour Nêran, un homme expérimenté avec ses 26 ans. Elle pense à la femme qu’il a voulu sauver du feu. Elle voudrait serrer ses mains. Mais ces Têtes-rondes, au fait, qu’ont-ils ? Elle a déjà dessiné du doigt le petit cercle sur le sol ce matin. Pourtant, en pensant aux Têtes-rondes et à ce qu’elle a entendu d’eux, elle voudrait dire merci encore, pour se prémunir. Il ne faut pas. Dezul a été clair. Mais Dezul, qui est-il, au juste ?
Naviya à toujours su qu’il prenait les décisions, que tous lui demandaient conseil, et il est évident que personne ne penserait à le contredire. Sans le savoir, Naviya, comme tous les membres de la tribu, a ingéré l’autorité de Dezul parce que ça ne pouvait pas être autrement. Mais personne ne connait sa jeunesse. Les plus âgés savent confusément qu’il est arrivé d’ailleurs un jour, il y a longtemps. Naviya, en y réfléchissant, réalise une chose simple : Dezul est aimé de tous. Il est impossible de penser à la tribu sans lui. Les mènera-t-il vers une grotte sûre ? Les tiendra-t-il à l’écart des Têtes-rondes ? Et la question revient : qu’ont-ils, ceux-là ?
À ce rythme, ils parcourent en quatre jours la distance qu’auraient parcouru en une journée un Nêran ou un Nost seuls. Paru, la doyenne, la plus lente, y pense sans cesse et voudrait leur demander d’abandonner sur le chemin le fardeau qu’elle est. Inutile d’y penser, ils n’accepteront évidemment jamais. Alors elle marche et traine avec elle le boulet de la culpabilité. Tous le savent, et il n’y a rien à faire. Le plus fort des hommes ne pourrait pas la porter longtemps sur son dos car à son âge s’ajoute un certain poids. C’est sans solution. Lors d’une pause, Naviya décide de prendre le risque :
— Je sais que nous pensons tous la même chose, qui finit par nous obséder plus que les Têtes-rondes : Paru est un problème pour tout le monde, à commencer par elle-même, parce qu’elle est vieille et lente et lourde. Je propose que nous la découpions en plein de tout petits morceaux que chacun de nous pourra porter facilement !
Les visages qui s’étaient dans un premier temps sévèrement assombris s’éclairent soudain et les éclats de rire fusent, Paru étant la première à pleurer de rire.
— Mais oui ! Mais oui ! fait-elle, et puis une fois que les morceaux seront découpés, vous n’aurez même plus à les porter, après tout !
— Jurt, tu as du travail, il nous faut des longues lames ! poursuit Naviya.
— Aucune pierre ne viendra à bout de Paru, elle est bien trop solide ! répond Jurt.
La tribu est reconnaissante à Naviya pour avoir su transformer aussi radicalement une situation si pesante. Le cœur léger, ils reprennent la route, Naviya restant près de Paru jusqu’au soir.
La saison est clémente, il dorment à la belle étoile la nuit venue et Nêran, ce soir, est chargé d’entretenir le petit feu qu’ils sont bien obligés d’allumer pour éloigner les animaux. Au risque d’être vus par des Tête-rondes.
Les stocks de viande et de poisson séchés s’amenuisent au bout de plusieurs jours de marche. Le petit gibier qu’on tue de temps à autre ne suffit plus non plus. Il est temps de s’attaquer à du gros gibier, et ce n’est pas ce qui manque. On les voit de plus ou moins loin, ces chevaux, ces bisons, ces rhinocéros. Devant le choix, il faut que Dezul se prononce. Ce dernier sait qu’on va le consulter mais il ne dit rien, il attend et marche. Finalement, c’est Paru qui le rattrape non sans mal pour lui demander :
— Dezul, si je voulais chasser ce matin, que me conseillerais-tu ?
— Sans hésiter, le rhinocéros, Paru, et à la sarbacane !
Les plus vaillants n’ont rien perdu de l’information. Alors non, pas à la sarbacane, évidemment, mais c’est bien le rhinocéros qu’ils iront chercher quand ils auront réuni leurs armes et qu’ils se seront entendus sur un plan d’attaque.
C’est Tohé, Garn et Nêran qui iront et commencent déjà à observer de loin les trois rhinos laineux. Naviya, seulement 15 ans, les regarde et n’a d’yeux que pour Nêran, un homme expérimenté avec ses 26 ans. Elle pense à la femme qu’il a voulu sauver du feu. Elle voudrait serrer ses mains. Mais ces Têtes-rondes, au fait, qu’ont-ils ? Elle a déjà dessiné du doigt le petit cercle sur le sol ce matin. Pourtant, en pensant aux Têtes-rondes et à ce qu’elle a entendu d’eux, elle voudrait dire merci encore, pour se prémunir. Il ne faut pas. Dezul a été clair. Mais Dezul, qui est-il, au juste ?
Naviya à toujours su qu’il prenait les décisions, que tous lui demandaient conseil, et il est évident que personne ne penserait à le contredire. Sans le savoir, Naviya, comme tous les membres de la tribu, a ingéré l’autorité de Dezul parce que ça ne pouvait pas être autrement. Mais personne ne connait sa jeunesse. Les plus âgés savent confusément qu’il est arrivé d’ailleurs un jour, il y a longtemps. Naviya, en y réfléchissant, réalise une chose simple : Dezul est aimé de tous. Il est impossible de penser à la tribu sans lui. Les mènera-t-il vers une grotte sûre ? Les tiendra-t-il à l’écart des Têtes-rondes ? Et la question revient : qu’ont-ils, ceux-là ?
Dernière édition par Titi le 28.08.24 16:19, édité 10 fois
Titi- Messages : 176
Date d'inscription : 08/08/2024
Localisation : Perpignan
Dolo Tarras, Phil BOTTLE, Fid-ho LAKHA et Tinouch aiment ce message
Re: La marche (Un conte de Néandertal, 3)
Bravo ! Au boulot pour la suite !
Tinouch- Messages : 145
Date d'inscription : 08/08/2024
Titi aime ce message
Re: La marche (Un conte de Néandertal, 3)
Tu m'étonnes ! Faudrais un bloc de silex de sacrée taille pour faire de longues lames :-)
Lix- Messages : 924
Date d'inscription : 05/08/2024
Re: La marche (Un conte de Néandertal, 3)
Ah, il n'est plus temps de remercier et Naviya est amoureuse d'un gars ayant un compagne avec un enfant, ça promet.
Lix- Messages : 924
Date d'inscription : 05/08/2024
Re: La marche (Un conte de Néandertal, 3)
Vivement la suite ! Ça me plaît.
Lix- Messages : 924
Date d'inscription : 05/08/2024
Re: La marche (Un conte de Néandertal, 3)
Les longues lames, c’est toutes proportions gardées. Ils avaient bien des lames de silex qui leur servaient à débiter des chevaux ou des bisons.
Je sens sur la troisième partie que je commence à m’essouffler, il faut sûrement que je laisse reposer un peu.
Je sens sur la troisième partie que je commence à m’essouffler, il faut sûrement que je laisse reposer un peu.
Titi- Messages : 176
Date d'inscription : 08/08/2024
Localisation : Perpignan
Re: La marche (Un conte de Néandertal, 3)
Prends tout le temps que tu voudras :-)
Lix- Messages : 924
Date d'inscription : 05/08/2024
Re: La marche (Un conte de Néandertal, 3)
Le passage du découpage de Paru est sympa (si l'on peut dire).
Dolo Tarras- Messages : 181
Date d'inscription : 06/08/2024
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Re: La marche (Un conte de Néandertal, 3)
Merci de me dire ça, j’avais des doutes :-)
Titi- Messages : 176
Date d'inscription : 08/08/2024
Localisation : Perpignan
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Re: La marche (Un conte de Néandertal, 3)
Je l'avais loupé; c'eut été dommage. Me suis rattrapé.
Pour la peine, mini dialogue dans l'esprit:
— Tu l'aimes ta mémé?
— Oh oui!
— Ben reprends en avant qu'il n'y en ait plus!
Pour la peine, mini dialogue dans l'esprit:
— Tu l'aimes ta mémé?
— Oh oui!
— Ben reprends en avant qu'il n'y en ait plus!
Phil BOTTLE- Messages : 334
Date d'inscription : 06/08/2024
Age : 69
Localisation : Au pays des vents
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Titi- Messages : 176
Date d'inscription : 08/08/2024
Localisation : Perpignan
Phil BOTTLE aime ce message
Re: La marche (Un conte de Néandertal, 3)
Ah? tu l'appelles Héhé toi ta mémé?
Phil BOTTLE- Messages : 334
Date d'inscription : 06/08/2024
Age : 69
Localisation : Au pays des vents
Titi- Messages : 176
Date d'inscription : 08/08/2024
Localisation : Perpignan
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