Portraits et tableaux
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Re: Portraits et tableaux
Dans le 12 il n'y a qu'enfance qui n'a pas de rime en écho. Les deux sont très beaux, et top le premier
Lix- Messages : 930
Date d'inscription : 05/08/2024
Re: Portraits et tableaux
14
Allah
Amis, imaginons, en toute humilité,
qu’au lieu d’être poussière au néant destinée,
Eh bien ! Nous soyons Dieu de toute éternité.
Bienveillants par essence, Nous avons décidé
d’adresser quelques mots à ces êtres fragiles
que Nous avons chassé autrefois de l’Eden,
les forçant à gagner leur pitance de hyène ;
balayés d’un déluge en fronçant Notre cil,
et réduits, par prudence, à parler le Babel…
Qu’importe le passé, Nous sommes oublieux
du mal que l’homme a fait. Il a bâti chapelles,
Nous avons pardonné. Résonnant dans les cieux,
La voix d’Allah, le Miséricordieux, s’élève.
Sans doute, vous ou moi, alors prodiguerions
des mots de réconfort, d’amour, d’espoir, de rêves.
Mais, Lui choisit… de parler de répudiation.
15
faux espoir ou ronds d’eau
Aux lisières du soir dans des rus aigres-doux,
je cherchais le galet, parfait, le talisman,
je l’emporterai loin, Vila ou Katmandu,
loin des appâts moisis que charrie l’Occident
Je franchirai les flots, les fleuves et les mers,
lancerai mon caillou ainsi qu’une parole,
et ces mots silencieux s’arrondiront dans l’eau
jusqu’à frôler l’oiseau et susciter l’envol
16
Socrate
Tardive c’était l’heure, où laissant l’agora,
Socrate s’enivrait de vin face à la mer.
A l’échange, à l’agone, haut, il levait son verre
et grattait quelque puce en riant aux éclats.
Les cieux s’embrasaient pour des dieux moribonds,
Ulysse quelque part épousait son destin,
ce savoir bien trop lourd, que nous chassons en vain,
le retour n’est jamais que rêve d’horizon.
A l’ignorance, l’homme aime à se prendre au piège,
Ainsi songeait Socrate, en pissant dans l’Egée
sur laquelle flottaient des mots comme du liège…
Mais c’est fête ce soir, ayons le cœur léger !
Braillé, paillard, un chant s’emmêlait aux embruns.
Des marins se vantaient d’enfiler des sirènes,
Vantardise de qui connaît le poids des peines.
Socrate, en souriant, reprenait leur refrain.
pehache- Messages : 255
Date d'inscription : 10/08/2024
Phil BOTTLE et Jean Paul aiment ce message
Re: Portraits et tableaux
Une orpheline... ça vous brise le cœur ?Lix a écrit:Dans le 12 il n'y a qu'enfance qui n'a pas de rime en écho. Les deux sont très beaux, et top le premier
Vous savez, je ne pratique pas la poésie "classique".
pehache- Messages : 255
Date d'inscription : 10/08/2024
Re: Portraits et tableaux
Non mais j'avais remarqué.
Oui je sais que vous n'êtes pas "classique" :-) mais vous connaissez bien.
Je me pose une question (ça m'arrive parfois) ; à votre avis, faut-il maîtriser le classique avant de faire du non classique ?
Oui je sais que vous n'êtes pas "classique" :-) mais vous connaissez bien.
Je me pose une question (ça m'arrive parfois) ; à votre avis, faut-il maîtriser le classique avant de faire du non classique ?
Lix- Messages : 930
Date d'inscription : 05/08/2024
Re: Portraits et tableaux
Je me suis prise à sourire en lisant le 16. J'aime beaucoup la strophe 2 du 15. Le 14 c'est du lourd, la pitance de hyène, c'est terrib', ça.
Lix- Messages : 930
Date d'inscription : 05/08/2024
Re: Portraits et tableaux
Je suis flatté d'avoir une lectrice avec autant d’acuité et de bienveillance.Lix a écrit:Je me suis prise à sourire en lisant le 16. J'aime beaucoup la strophe 2 du 15. Le 14 c'est du lourd, la pitance de hyène, c'est terrib', ça.
Pour votre deuxième phrase, moi aussi, mais peut-être parce qu'elle ressortit d'un genre moins narratif et plus... poétique ?
**
Pas "classique", non, puisque je suis vivant, entre vingt et vint-et-unième siècle. Comment pourrait-on, à part pour rire, écrire comme du Bellay ? Ou rouler les "r" comme il y a peu, ou parler la "langue de Molière" ?
"Je me pose une question (ça m'arrive parfois)" je n'en doute pas ; "à votre avis, faut-il maîtriser le classique avant de faire du non classique ?". Faut-il savoir peindre pour faire du noir sur noir ? Picasso (qui n'est pas mon idole) disait qu'il cherchait à désapprendre, à redessiner comme un enfant...
Pour ma part, je crois - c'est politique et humain- aux traditions, pour les liens qu'elles tissent, bien sûr, mais aussi pour le sens, la science, qu'elles portent. Nos maitres de la poésie classique excellaient, leur science est peu reprochable, leur technique souvent époustouflante, ils maîtrisaient leur art. Le leur. Qui est aussi le nôtre, par ce qu'ils nous ont légué (les mots résonnent dans les poèmes, entre poèmes, entre univers) et parce que nous partageons la (presque) même langue.
Alors, le projet, la quête du sublime, qui anime les classiques n'est pas mienne (qui serait plus proche, je ne parle pas des textes de ce fil! de celle d'un Jaccottet), mais, pour autant, je crois que l'on trouve sa place en jouant avec les règles (donc en les connaissant) plutôt qu'en feignant d'ignorer ce qu'on ignore réellement.
Avoir l'alexandrin dans l'oreille (lecture recommandée de la légende des siècles), c'est plus facile, aussi, de décrocher, de changer de tempo.
J'aime le jazz, faut dire.
Bon, j'ai été long et chiant, je ne me relis pas, hop! Sur l'air du l'ai-je bien descendu / ai-je bien répondu ?
le bonsoir.
pehache- Messages : 255
Date d'inscription : 10/08/2024
Phil BOTTLE et Tinouch aiment ce message
Re: Portraits et tableaux
17
La ciguë et tout ça...
La vie palpite au loin. Il n’a pour le martyre
Par la moindre appétence, et pourtant, très bientôt,
Un bien amer poison éteindra son cerveau.
Loin de s’y résigner : il refuse de fuir.
Qui n’aimerait poursuivre encore un peu la course ?
Il mourra, il le faut, au nom de la vertu,
mais en a plein le cul qu’on lui cause ciguë !
Il se tâte, pensif, négligemment les bourses.
Banni que serait-il ? Un âne vagabond.
A sillonner la ville, il trouve son bonheur,
Émiettant par les rues son dit libérateur,
Ensemençant l’humain pour qu’il accède au bon.
Enfant de la Métis, dialecticien rusé,
Accoucheur et méduse, il aime la parole,
celle qui s’ouvre fraîche, ainsi qu’une corolle,
et vient en aide à qui se faisait abuser.
Histoire de choquer ses disciples béats,
il entonne euphorique un vieil air des armées,
lâche tonitruant un rot démesuré,
Et tire sur son joint entre deux résinas.
Ses compagnons sont saouls depuis au moins deux heures…
Hier, ou dans mille ans, il sait que tout est dit,
Que le progrès n’est qu’un hochet débile, un leurre
à la face du peuple agité par mépris.
Il veut philosopher sur la barbe, les poils,
Ainsi que tout jeune homme on le lui conseilla,
Quand il croyait savoir ce qu’il ne savait pas.
Maintenant qu’il est tard, tout lui est une étoile.
Il sait trop qu’on viendra bientôt le bâillonner,
Que la ligue des sots aura raison de lui.
-Ô sagesse impuissante à saisir ce qui fuit !-
C’est l’heure où l’insomniaque aimerait tant baiser.
La ciguë et tout ça...
La vie palpite au loin. Il n’a pour le martyre
Par la moindre appétence, et pourtant, très bientôt,
Un bien amer poison éteindra son cerveau.
Loin de s’y résigner : il refuse de fuir.
Qui n’aimerait poursuivre encore un peu la course ?
Il mourra, il le faut, au nom de la vertu,
mais en a plein le cul qu’on lui cause ciguë !
Il se tâte, pensif, négligemment les bourses.
Banni que serait-il ? Un âne vagabond.
A sillonner la ville, il trouve son bonheur,
Émiettant par les rues son dit libérateur,
Ensemençant l’humain pour qu’il accède au bon.
Enfant de la Métis, dialecticien rusé,
Accoucheur et méduse, il aime la parole,
celle qui s’ouvre fraîche, ainsi qu’une corolle,
et vient en aide à qui se faisait abuser.
Histoire de choquer ses disciples béats,
il entonne euphorique un vieil air des armées,
lâche tonitruant un rot démesuré,
Et tire sur son joint entre deux résinas.
Ses compagnons sont saouls depuis au moins deux heures…
Hier, ou dans mille ans, il sait que tout est dit,
Que le progrès n’est qu’un hochet débile, un leurre
à la face du peuple agité par mépris.
Il veut philosopher sur la barbe, les poils,
Ainsi que tout jeune homme on le lui conseilla,
Quand il croyait savoir ce qu’il ne savait pas.
Maintenant qu’il est tard, tout lui est une étoile.
Il sait trop qu’on viendra bientôt le bâillonner,
Que la ligue des sots aura raison de lui.
-Ô sagesse impuissante à saisir ce qui fuit !-
C’est l’heure où l’insomniaque aimerait tant baiser.
pehache- Messages : 255
Date d'inscription : 10/08/2024
Lix, Phil BOTTLE et Jean Paul aiment ce message
Re: Portraits et tableaux
Non c'était pas chiant, merci pour votre réponse. Jaccottet, encore un que je ne connais pas, pfff, parcouru rapidos sa page Wiki, je retournerai voir. Brel aussi a dit un truc du genre "le plus dur n'est pas d'apprendre mais de désapprendre".
(Picasso, il a qd même fait des bons trucs, hein).
(Picasso, il a qd même fait des bons trucs, hein).
Lix- Messages : 930
Date d'inscription : 05/08/2024
Re: Portraits et tableaux
17. Socrate ? Il revient souvent dans vos textes. Faut que je relise
Lix- Messages : 930
Date d'inscription : 05/08/2024
Re: Portraits et tableaux
Lisez Jaccottet, c'est tellement fragile et émouvant!
Socrate, avec Diogène, ont tjs été des modèles pour moi (études de philo à l base). Socrate n'a pas écrit. C'est, pour l'essentiel, par l'entremise de son disciple (déviant) Platon que nous connaissons l'homme et ses méthodes (plus que ses "idées", invention platonicienne), la dialectique, la maïeutique...
Je ne jette pas tout Picasso, non. Pour moi, rapidement dans son oeuvre il choisit la provocation plus que la quête de l'art. Ce que je sais de l'homme, par ailleurs, ne me fait pas envie.
Socrate, avec Diogène, ont tjs été des modèles pour moi (études de philo à l base). Socrate n'a pas écrit. C'est, pour l'essentiel, par l'entremise de son disciple (déviant) Platon que nous connaissons l'homme et ses méthodes (plus que ses "idées", invention platonicienne), la dialectique, la maïeutique...
Je ne jette pas tout Picasso, non. Pour moi, rapidement dans son oeuvre il choisit la provocation plus que la quête de l'art. Ce que je sais de l'homme, par ailleurs, ne me fait pas envie.
pehache- Messages : 255
Date d'inscription : 10/08/2024
Re: Portraits et tableaux
18
Le vieux poète (1)
Le vieux poète est triste et sa page, elle, est blanche.
Il pose son stylo, il repousse sa chaise.
Il respire un bon coup, pour ce faire, il se penche,
Puis, d’un pas évasif, promène son malaise.
Au fond, n’ai-je chanté qu’un seul et même chant ?
récité psalmodié proféré éructé
caressé et vomi un seul et même chant ?
et mes ors et mes fers, mon clinquant,
n’auront été que brouhaha
pour masquer l’évident :
un seul et même et médiocre chant
J’avais la voix fluette et rien du tout à dire !
Il est tard maintenant, je vais aller mourir.
*
Le vieux poète (2)
Le vieux poète est las, ses Muses l’ont quitté,
l’enthousiasme… tout ça… Et puis l’Inspiration
l’emmerde. Il verse un peu de whisky dans son thé.
Il a, sa vie durant, prôné la distinction.
De ses contemporains, il n’a que peu à dire
n’ayant guère goûté l’oubli de la musique.
Le seul choix de l’image à ses yeux est martyre.
Il vomit plus que tout l’épanchement lyrique.
Ironique, il mania l’alexandrin foutraque,
ne dit-on pas que l’Ange ainsi que la Beauté
boitent ? Libres, les vers ? De cette liberté,
il fit le tour jadis. Pas de treizième au black !
De son art, délicat, il sait trop les limites,
même loués, ses vers ne sont que peu de choses
et ses rimes jamais n’échappent à la pose.
Depuis longtemps déjà, le poète s’imite.
Il s’interdit alors tous ces mots qui l’habitent,
exit la flèche et l’eau, pareillement la femme.
Il efface le chant, ses dérivés et l’âme,
gomme terre et semence, amours, larmes et bite.
En riant, il se dit qu’il a les couilles sèches.
Se meurt aussi le rire ainsi que fleur flétrit.
Il cherche quelque plaie. La langue qui les lèche,
par le passé, trouvait toujours quelque sanie.
Le vieux poète est las. Bouddha de pacotille
en ignorance expert. Quand le cri de l’oiseau,
la chouette, retentit, il ravale ses trilles,
sur ses pages la mort laisse errer son plumeau.
*
le vieux poète (3)
que chanterai-je alors que vieillesse m’atteint
le marron la chandelle ou les fruits de l’automne
dans le jaune et le rouge une cloche qui sonne
ou l’insomnie régnant jusqu’au petit matin
que chanterai-je alors que vieillesse m’abîme
la beauté de la femme attaquée par les rides
la fougue de l’amour dont on lâche les brides
ou le miroir terni que bêtement je mime
que chanterai-je alors que vieillesse m’aspire
l’envie d’être debout de tendre encor la main
de lutter malgré tout sauvegarder demain
mais las je ponds des vers dans lesquels je me mire
Le vieux poète (1)
Le vieux poète est triste et sa page, elle, est blanche.
Il pose son stylo, il repousse sa chaise.
Il respire un bon coup, pour ce faire, il se penche,
Puis, d’un pas évasif, promène son malaise.
Au fond, n’ai-je chanté qu’un seul et même chant ?
récité psalmodié proféré éructé
caressé et vomi un seul et même chant ?
et mes ors et mes fers, mon clinquant,
n’auront été que brouhaha
pour masquer l’évident :
un seul et même et médiocre chant
J’avais la voix fluette et rien du tout à dire !
Il est tard maintenant, je vais aller mourir.
*
Le vieux poète (2)
Le vieux poète est las, ses Muses l’ont quitté,
l’enthousiasme… tout ça… Et puis l’Inspiration
l’emmerde. Il verse un peu de whisky dans son thé.
Il a, sa vie durant, prôné la distinction.
De ses contemporains, il n’a que peu à dire
n’ayant guère goûté l’oubli de la musique.
Le seul choix de l’image à ses yeux est martyre.
Il vomit plus que tout l’épanchement lyrique.
Ironique, il mania l’alexandrin foutraque,
ne dit-on pas que l’Ange ainsi que la Beauté
boitent ? Libres, les vers ? De cette liberté,
il fit le tour jadis. Pas de treizième au black !
De son art, délicat, il sait trop les limites,
même loués, ses vers ne sont que peu de choses
et ses rimes jamais n’échappent à la pose.
Depuis longtemps déjà, le poète s’imite.
Il s’interdit alors tous ces mots qui l’habitent,
exit la flèche et l’eau, pareillement la femme.
Il efface le chant, ses dérivés et l’âme,
gomme terre et semence, amours, larmes et bite.
En riant, il se dit qu’il a les couilles sèches.
Se meurt aussi le rire ainsi que fleur flétrit.
Il cherche quelque plaie. La langue qui les lèche,
par le passé, trouvait toujours quelque sanie.
Le vieux poète est las. Bouddha de pacotille
en ignorance expert. Quand le cri de l’oiseau,
la chouette, retentit, il ravale ses trilles,
sur ses pages la mort laisse errer son plumeau.
*
le vieux poète (3)
que chanterai-je alors que vieillesse m’atteint
le marron la chandelle ou les fruits de l’automne
dans le jaune et le rouge une cloche qui sonne
ou l’insomnie régnant jusqu’au petit matin
que chanterai-je alors que vieillesse m’abîme
la beauté de la femme attaquée par les rides
la fougue de l’amour dont on lâche les brides
ou le miroir terni que bêtement je mime
que chanterai-je alors que vieillesse m’aspire
l’envie d’être debout de tendre encor la main
de lutter malgré tout sauvegarder demain
mais las je ponds des vers dans lesquels je me mire
Dernière édition par pehache le 08.11.24 8:11, édité 1 fois
pehache- Messages : 255
Date d'inscription : 10/08/2024
Lix aime ce message
Re: Portraits et tableaux
Quelle tristesse ces 3 portraits de poètes ! Surtout le premier (pour moi).
Vous surprenez avec des "trucs" auxquels on s'attend pas, ici je parle du thé/whisky, du Black, de la langue qui lèche les plaies, entre autres images.
Un E s'est échappé dans le 3 ? unE cloche.
(Jaccottet c'est noté, j'ai pu choper qqs extraits en ligne, j'ai aimé)
Vous surprenez avec des "trucs" auxquels on s'attend pas, ici je parle du thé/whisky, du Black, de la langue qui lèche les plaies, entre autres images.
Un E s'est échappé dans le 3 ? unE cloche.
(Jaccottet c'est noté, j'ai pu choper qqs extraits en ligne, j'ai aimé)
Lix- Messages : 930
Date d'inscription : 05/08/2024
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Re: Portraits et tableaux
19
Le magicien amoureux
je serai l’assassin aux dents ensanglantées
l’amoureux épanoui s’embrasant à tes lèvres
je serai la main froide exigeant ses deniers
celle tendue mendiant que dévore la fièvre
je serai tout pour toi magicien de tes rêves
j’inventerai l’azur j’enchanterai le jour
je boirai ton nectar et t’offrirai ma sève
je jazzerai ton nom je swinguerai l’amour
j’aurai les yeux du tigre et le doux de l’agneau
mes bras seront noyers mes racines de chêne
jonglant avec les temps les rythmes les tempos
l’Afrique chantera la savane et l’ébène
tout ce que tu voudras Bouddha Maharadja
chameau qui va et qui blatère charognard
je serai l’or et la poussière le paria
le chacal la lumière et Dédale ou Icare
tu te lasses déjà tu t’en vas sans recours
et moi je reste là pantin de ton amour
tous mes fils emmêlés ayant perdu tout sens
vomissant pour un temps l’idée même d’amour
20
Big Nambas
tintent
dans la nuit tôt tombée
les bracelets de graines
tintent
dans la nuit tôt tombée
les bracelets de graines
qui
s’arrachant au plus sombre
à petit pas s’approchent
s’approchent de la place
toute de terre battue
toute de terre rouge
bordée de cases rondes
modeste en quelque centre
un petit feu rougeoie
à deux poutres dressées
deux troncs
bistres et torsadés
une troisième poutre arrimée
par des lianes
accrochées des ignames
pendent
monstrueuses ainsi que des gargouilles
des guerriers faces peintes
de formes rouges de traits blancs
de formes rouges de traits blancs
sur leur peau noire
frappent les flancs de leurs bâtons
de leurs bâtons frappent les flancs
des grands totems évidés
aux têtes humaines
échevelées
à petits pas
hommes vieillards
femmes enfants
lentement se déplacent
oscillent
le front ceint de feuilles tressées
vacillent
et piétinent le sol de leurs pieds nus et plats
cela sent la fumée
la sueur
des corps dans la poussière
qui
vole
aux mâles le kava a donné ces yeux rouges
entrouvert les esprits aux paroles des morts
dessous la lune pleine toutes ces ombres bougent
moi je reste interdit comme frappé d’un sort
et toujours
et encore
les batteurs
martèlent la cadence
titubent les danseurs se rencontrent les corps
titubent recommencent
et se heurtent
et toujours les batteurs
les guerriers
faces blanches
barrées de rouge
frappent les flancs
des grands totems érigés
flasques
les seins des femmes
ballottent se soulèvent
et leurs fesses musclées
tressautent quand elles tapent
de leurs pieds en cadence
et la file s’avance
et la file s’arrête
et la file balance
et la file s’arrête
la ronde recommence
le cercle de la transe
de leurs lèvres
s’échappe
un chant lascif rauque
un râle psalmodié
répété ressassé
identique
Plus tard plus avant dans la nuit
le plus petit fourré gémira lui aussi
Le magicien amoureux
je serai l’assassin aux dents ensanglantées
l’amoureux épanoui s’embrasant à tes lèvres
je serai la main froide exigeant ses deniers
celle tendue mendiant que dévore la fièvre
je serai tout pour toi magicien de tes rêves
j’inventerai l’azur j’enchanterai le jour
je boirai ton nectar et t’offrirai ma sève
je jazzerai ton nom je swinguerai l’amour
j’aurai les yeux du tigre et le doux de l’agneau
mes bras seront noyers mes racines de chêne
jonglant avec les temps les rythmes les tempos
l’Afrique chantera la savane et l’ébène
tout ce que tu voudras Bouddha Maharadja
chameau qui va et qui blatère charognard
je serai l’or et la poussière le paria
le chacal la lumière et Dédale ou Icare
tu te lasses déjà tu t’en vas sans recours
et moi je reste là pantin de ton amour
tous mes fils emmêlés ayant perdu tout sens
vomissant pour un temps l’idée même d’amour
20
Big Nambas
tintent
dans la nuit tôt tombée
les bracelets de graines
tintent
dans la nuit tôt tombée
les bracelets de graines
qui
s’arrachant au plus sombre
à petit pas s’approchent
s’approchent de la place
toute de terre battue
toute de terre rouge
bordée de cases rondes
modeste en quelque centre
un petit feu rougeoie
à deux poutres dressées
deux troncs
bistres et torsadés
une troisième poutre arrimée
par des lianes
accrochées des ignames
pendent
monstrueuses ainsi que des gargouilles
des guerriers faces peintes
de formes rouges de traits blancs
de formes rouges de traits blancs
sur leur peau noire
frappent les flancs de leurs bâtons
de leurs bâtons frappent les flancs
des grands totems évidés
aux têtes humaines
échevelées
à petits pas
hommes vieillards
femmes enfants
lentement se déplacent
oscillent
le front ceint de feuilles tressées
vacillent
et piétinent le sol de leurs pieds nus et plats
cela sent la fumée
la sueur
des corps dans la poussière
qui
vole
aux mâles le kava a donné ces yeux rouges
entrouvert les esprits aux paroles des morts
dessous la lune pleine toutes ces ombres bougent
moi je reste interdit comme frappé d’un sort
et toujours
et encore
les batteurs
martèlent la cadence
titubent les danseurs se rencontrent les corps
titubent recommencent
et se heurtent
et toujours les batteurs
les guerriers
faces blanches
barrées de rouge
frappent les flancs
des grands totems érigés
flasques
les seins des femmes
ballottent se soulèvent
et leurs fesses musclées
tressautent quand elles tapent
de leurs pieds en cadence
et la file s’avance
et la file s’arrête
et la file balance
et la file s’arrête
la ronde recommence
le cercle de la transe
de leurs lèvres
s’échappe
un chant lascif rauque
un râle psalmodié
répété ressassé
identique
Plus tard plus avant dans la nuit
le plus petit fourré gémira lui aussi
pehache- Messages : 255
Date d'inscription : 10/08/2024
Lix aime ce message
Re: Portraits et tableaux
19. super. J’adore les bras noyers et les racines chêne
20. hypnotisée. je pense que c’est votre souhait avec les répétitions de faire entrer le lecteur en transe. C’est réussi ! les ignames gargouilles, pas mal. Et la mise en page centrée fait « onduler » avec eux. J’en ai profité pour voyager, découvrir les Big et Small Nambas. Je ne connaissais pas le kava (uniquement le kawa :-)
20. hypnotisée. je pense que c’est votre souhait avec les répétitions de faire entrer le lecteur en transe. C’est réussi ! les ignames gargouilles, pas mal. Et la mise en page centrée fait « onduler » avec eux. J’en ai profité pour voyager, découvrir les Big et Small Nambas. Je ne connaissais pas le kava (uniquement le kawa :-)
Lix- Messages : 930
Date d'inscription : 05/08/2024
Re: Portraits et tableaux
Malikolo (https://fr.wikipedia.org/wiki/Malekula)...
Le kava est infect, astringent, et semble les mettre en transe. (les= les mecs)
J'avais un projet (avorté lui aussi) de mise en musique lancinante (avec encore bcp plus de répétitions, d'échos, etc.).
Le kava est infect, astringent, et semble les mettre en transe. (les= les mecs)
J'avais un projet (avorté lui aussi) de mise en musique lancinante (avec encore bcp plus de répétitions, d'échos, etc.).
pehache- Messages : 255
Date d'inscription : 10/08/2024
Re: Portraits et tableaux
Merci pour le lien.
Avorté, avorté ? Dommage. Oui bon, il faudrait l'/les instrument(s) adapté(s) et le/les musicien(s) qui va/vont avec.
Pourquoi ne tenteriez-vous pas un enregistrement de votre voix "jouant" ce texte ?
Avorté, avorté ? Dommage. Oui bon, il faudrait l'/les instrument(s) adapté(s) et le/les musicien(s) qui va/vont avec.
Pourquoi ne tenteriez-vous pas un enregistrement de votre voix "jouant" ce texte ?
Lix- Messages : 930
Date d'inscription : 05/08/2024
Re: Portraits et tableaux
Au niveau musical, une basse ou contrebasse ferait déjà une grosse partie du boulot.
pehache- Messages : 255
Date d'inscription : 10/08/2024
Re: Portraits et tableaux
21
Maître Chu Yan
Il n’y a plus qu’hier quand demain s’obscurcit
pour n’être plus qu’un songe à jamais insondable
pensait Maître Chu Yan s’avançant dans la nuit
vers la mer infinie et ses pas dans le sable
s’effaceront bientôt balayés par la pluie
22
Tableau de comte
J’ai longtemps habité de sombres citadelles
Surplombant des vallées où des peuples farouches
Végétaient avant de trépasser par ma bouche
Mes lèvres aspiraient leur sang comme du miel
Du haut de mon donjon aux créneaux indomptés
J’observais amusé leurs pauvres tentatives
Lamentations sans fin imprécations poussives
Que ma canine aiguë aimait à déchirer
Mais les temps ne sont plus de ces bonheurs faciles
J’ai dû me recycler devenir anonyme
Quand à la nuit tombée face au miroir je lime
Mes dents je me dis que les peuples sont dociles
pehache- Messages : 255
Date d'inscription : 10/08/2024
Lix aime ce message
Re: Portraits et tableaux
Très doux le 21. Flippant le 22 !
Lix- Messages : 930
Date d'inscription : 05/08/2024
Re: Portraits et tableaux
23
Le vagant
apaisé
à pas lents
balancés
balançant
itinérant
c’est un errant
vague vagant
vagabondant
apaisé à pas
lents les bras ballant
il va balançant
y aller ou pas
aller où aller loin
tout simplement partir
marcher longtemps dormir
dans la paille et le foin
il sait qu’il ne fallait
pas s’arrêter mais aller
d’un pas vif sans s’arrêter
face aux glaces des palais
aller vers autre part
cueillir des primevères
effeuiller quellques vers
arriver en retard
apaisé à pas
lents les bras ballant
il va balançant
appeaux et appâts
itinérant
c’est un errant
vague vagant
vagabondant
apaisé
à pas lents
balancés
balançant
à pas lents
balancés
balançant
itinérant
c’est un errant
vague vagant
vagabondant
apaisé à pas
lents les bras ballant
il va balançant
y aller ou pas
aller où aller loin
tout simplement partir
marcher longtemps dormir
dans la paille et le foin
il sait qu’il ne fallait
pas s’arrêter mais aller
d’un pas vif sans s’arrêter
face aux glaces des palais
aller vers autre part
cueillir des primevères
effeuiller quellques vers
arriver en retard
apaisé à pas
lents les bras ballant
il va balançant
appeaux et appâts
itinérant
c’est un errant
vague vagant
vagabondant
apaisé
à pas lents
balancés
balançant
24
Promenade nocturne
Le ciel est d’un gris noir, l’air épais, brumeux, louche.
L’éclat sourd de mes pas sur les pavés disjoints
ricoche entre les murs puis part se perdre au loin.
Le prince des envers a brûlé ses cartouches.
Ils dorment, les bourgeois, la rue, elle, est aux fous,
aux chats borgnes et noirs et à la solitude.
La jupe retroussée, la fesse rebondie,
une souillon gémit. L’estropiat qui la fout
me jette un regard torve empreint de lassitude,
revient à sa besogne, ordinaire, et jouit.
Je ne sais si je dors ou je veille. Je marche,
descends des escaliers, patinés, médiévaux,
à l’entrée d’une place, une ombre sous une arche
m’attend. C’est une femme agitant ses anneaux.
Elle danse, immobile, une statue qui bouge,
Égyptienne ou Gitane, au regard dur et froid,
sans mot dire, elle appelle et me voici sa proie.
Qui est-elle ? Déesse ou putain, lèvres rouges,
robe fendue, chair apparente, seins menus,
et ces yeux- un désert- qui me mettent à nu.
Déesse, qui es-tu ? D’où viens-tu, de quel bouge ?
Je m’approche. Ou, plutôt, c’est elle qui m’aspire,
me siphonne, me satellise. Anéanti,
je me mets à genoux, surpris de ne sentir
nulle odeur, nul parfum- ma tête dans son nid.
Je voudrais de mes mains caresser cette cuisse,
cette peau- oh ! Enfoncer mes crocs et ma langue
dans cette chair sacrée, déchirer cette gangue,
nacrée. Dévorer enfin le noyau du vice.
Je dois me réveiller de ce rêve impossible,
échapper à la toile, aux fils de l’araignée.
Rassemblant mon courage, armant ma volonté,
tous mes muscles bandés : je ne suis plus la cible !
Je me lève d’un coup, j’étrangle la diablesse
dont le corps se débat, se frotte contre moi.
Elle geint, simulant le plaisir et l’émoi.
Je serre davantage- une unique caresse.
Elle est molle soudain. A nouveau, je suis seul.
La lune par miracle a percé les nuages.
La nuit claire la drape ainsi qu’un doux linceul.
Je m’en vais. Il est tard. Ce n’est plus de mon âge.
25
Petite main
La machine est en place… et manque l’étincelle.
Si la Muse n’était, sous ses dessous de soie,
que néant pur et simple, il nous resterait quoi ?
Ces dessous, justement, le charme des dentelles…
Se coucher tard messie, pour se lever faiseur ?
Aveugle délivré des torpeurs des cavernes
abandonne ta lyre aux délicieux malheurs.
Être petite main, tout étendard en berne ?
Un musicien des mots ? La phrase dit le peu
d’une telle ambition. Peintre ? La place est prise.
La métaphore alors est notre seul enjeu.
Me voici parvenu en ce bout qui me brise,
la strophe se termine ainsi que ce poème
la poésie est vaine- et pourtant que je l’aime !
pehache- Messages : 255
Date d'inscription : 10/08/2024
Lix, Jean Paul et Titi aiment ce message
Re: Portraits et tableaux
Excellent le 24.
Jean Paul- Messages : 190
Date d'inscription : 06/08/2024
pehache aime ce message
Re: Portraits et tableaux
Lu le 23. Très chouette, dormir dans les foins, cueillir des primevères, effeuiller des vers, joli programme. Je titube un peu là avec cette errance et ce balancement :-)
(Quellques, un L en trop. Ballant, faudrait pas mettre un S ?)
(Quellques, un L en trop. Ballant, faudrait pas mettre un S ?)
Lix- Messages : 930
Date d'inscription : 05/08/2024
Re: Portraits et tableaux
Ouais, le vagant, je crois qu'il va partir à la poubelle.
pehache- Messages : 255
Date d'inscription : 10/08/2024
Re: Portraits et tableaux
Ah ben non, comme vous dites, ça fait partie d'un tout
Lix- Messages : 930
Date d'inscription : 05/08/2024
Re: Portraits et tableaux
Il ne m'a js convaincu. Mais c'est tjs pareil, l’infanticide est difficile.
pehache- Messages : 255
Date d'inscription : 10/08/2024
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