Portraits et tableaux
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Re: Portraits et tableaux
Dans le 12 il n'y a qu'enfance qui n'a pas de rime en écho. Les deux sont très beaux, et top le premier
Lix- Messages : 828
Date d'inscription : 05/08/2024
Re: Portraits et tableaux
14
Allah
Amis, imaginons, en toute humilité,
qu’au lieu d’être poussière au néant destinée,
Eh bien ! Nous soyons Dieu de toute éternité.
Bienveillants par essence, Nous avons décidé
d’adresser quelques mots à ces êtres fragiles
que Nous avons chassé autrefois de l’Eden,
les forçant à gagner leur pitance de hyène ;
balayés d’un déluge en fronçant Notre cil,
et réduits, par prudence, à parler le Babel…
Qu’importe le passé, Nous sommes oublieux
du mal que l’homme a fait. Il a bâti chapelles,
Nous avons pardonné. Résonnant dans les cieux,
La voix d’Allah, le Miséricordieux, s’élève.
Sans doute, vous ou moi, alors prodiguerions
des mots de réconfort, d’amour, d’espoir, de rêves.
Mais, Lui choisit… de parler de répudiation.
15
faux espoir ou ronds d’eau
Aux lisières du soir dans des rus aigres-doux,
je cherchais le galet, parfait, le talisman,
je l’emporterai loin, Vila ou Katmandu,
loin des appâts moisis que charrie l’Occident
Je franchirai les flots, les fleuves et les mers,
lancerai mon caillou ainsi qu’une parole,
et ces mots silencieux s’arrondiront dans l’eau
jusqu’à frôler l’oiseau et susciter l’envol
16
Socrate
Tardive c’était l’heure, où laissant l’agora,
Socrate s’enivrait de vin face à la mer.
A l’échange, à l’agone, haut, il levait son verre
et grattait quelque puce en riant aux éclats.
Les cieux s’embrasaient pour des dieux moribonds,
Ulysse quelque part épousait son destin,
ce savoir bien trop lourd, que nous chassons en vain,
le retour n’est jamais que rêve d’horizon.
A l’ignorance, l’homme aime à se prendre au piège,
Ainsi songeait Socrate, en pissant dans l’Egée
sur laquelle flottaient des mots comme du liège…
Mais c’est fête ce soir, ayons le cœur léger !
Braillé, paillard, un chant s’emmêlait aux embruns.
Des marins se vantaient d’enfiler des sirènes,
Vantardise de qui connaît le poids des peines.
Socrate, en souriant, reprenait leur refrain.
pehache- Messages : 207
Date d'inscription : 10/08/2024
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Re: Portraits et tableaux
Une orpheline... ça vous brise le cœur ?Lix a écrit:Dans le 12 il n'y a qu'enfance qui n'a pas de rime en écho. Les deux sont très beaux, et top le premier
Vous savez, je ne pratique pas la poésie "classique".
pehache- Messages : 207
Date d'inscription : 10/08/2024
Re: Portraits et tableaux
Non mais j'avais remarqué.
Oui je sais que vous n'êtes pas "classique" :-) mais vous connaissez bien.
Je me pose une question (ça m'arrive parfois) ; à votre avis, faut-il maîtriser le classique avant de faire du non classique ?
Oui je sais que vous n'êtes pas "classique" :-) mais vous connaissez bien.
Je me pose une question (ça m'arrive parfois) ; à votre avis, faut-il maîtriser le classique avant de faire du non classique ?
Lix- Messages : 828
Date d'inscription : 05/08/2024
Re: Portraits et tableaux
Je me suis prise à sourire en lisant le 16. J'aime beaucoup la strophe 2 du 15. Le 14 c'est du lourd, la pitance de hyène, c'est terrib', ça.
Lix- Messages : 828
Date d'inscription : 05/08/2024
Re: Portraits et tableaux
Je suis flatté d'avoir une lectrice avec autant d’acuité et de bienveillance.Lix a écrit:Je me suis prise à sourire en lisant le 16. J'aime beaucoup la strophe 2 du 15. Le 14 c'est du lourd, la pitance de hyène, c'est terrib', ça.
Pour votre deuxième phrase, moi aussi, mais peut-être parce qu'elle ressortit d'un genre moins narratif et plus... poétique ?
**
Pas "classique", non, puisque je suis vivant, entre vingt et vint-et-unième siècle. Comment pourrait-on, à part pour rire, écrire comme du Bellay ? Ou rouler les "r" comme il y a peu, ou parler la "langue de Molière" ?
"Je me pose une question (ça m'arrive parfois)" je n'en doute pas ; "à votre avis, faut-il maîtriser le classique avant de faire du non classique ?". Faut-il savoir peindre pour faire du noir sur noir ? Picasso (qui n'est pas mon idole) disait qu'il cherchait à désapprendre, à redessiner comme un enfant...
Pour ma part, je crois - c'est politique et humain- aux traditions, pour les liens qu'elles tissent, bien sûr, mais aussi pour le sens, la science, qu'elles portent. Nos maitres de la poésie classique excellaient, leur science est peu reprochable, leur technique souvent époustouflante, ils maîtrisaient leur art. Le leur. Qui est aussi le nôtre, par ce qu'ils nous ont légué (les mots résonnent dans les poèmes, entre poèmes, entre univers) et parce que nous partageons la (presque) même langue.
Alors, le projet, la quête du sublime, qui anime les classiques n'est pas mienne (qui serait plus proche, je ne parle pas des textes de ce fil! de celle d'un Jaccottet), mais, pour autant, je crois que l'on trouve sa place en jouant avec les règles (donc en les connaissant) plutôt qu'en feignant d'ignorer ce qu'on ignore réellement.
Avoir l'alexandrin dans l'oreille (lecture recommandée de la légende des siècles), c'est plus facile, aussi, de décrocher, de changer de tempo.
J'aime le jazz, faut dire.
Bon, j'ai été long et chiant, je ne me relis pas, hop! Sur l'air du l'ai-je bien descendu / ai-je bien répondu ?
le bonsoir.
pehache- Messages : 207
Date d'inscription : 10/08/2024
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Re: Portraits et tableaux
17
La ciguë et tout ça...
La vie palpite au loin. Il n’a pour le martyre
Par la moindre appétence, et pourtant, très bientôt,
Un bien amer poison éteindra son cerveau.
Loin de s’y résigner : il refuse de fuir.
Qui n’aimerait poursuivre encore un peu la course ?
Il mourra, il le faut, au nom de la vertu,
mais en a plein le cul qu’on lui cause ciguë !
Il se tâte, pensif, négligemment les bourses.
Banni que serait-il ? Un âne vagabond.
A sillonner la ville, il trouve son bonheur,
Émiettant par les rues son dit libérateur,
Ensemençant l’humain pour qu’il accède au bon.
Enfant de la Métis, dialecticien rusé,
Accoucheur et méduse, il aime la parole,
celle qui s’ouvre fraîche, ainsi qu’une corolle,
et vient en aide à qui se faisait abuser.
Histoire de choquer ses disciples béats,
il entonne euphorique un vieil air des armées,
lâche tonitruant un rot démesuré,
Et tire sur son joint entre deux résinas.
Ses compagnons sont saouls depuis au moins deux heures…
Hier, ou dans mille ans, il sait que tout est dit,
Que le progrès n’est qu’un hochet débile, un leurre
à la face du peuple agité par mépris.
Il veut philosopher sur la barbe, les poils,
Ainsi que tout jeune homme on le lui conseilla,
Quand il croyait savoir ce qu’il ne savait pas.
Maintenant qu’il est tard, tout lui est une étoile.
Il sait trop qu’on viendra bientôt le bâillonner,
Que la ligue des sots aura raison de lui.
-Ô sagesse impuissante à saisir ce qui fuit !-
C’est l’heure où l’insomniaque aimerait tant baiser.
La ciguë et tout ça...
La vie palpite au loin. Il n’a pour le martyre
Par la moindre appétence, et pourtant, très bientôt,
Un bien amer poison éteindra son cerveau.
Loin de s’y résigner : il refuse de fuir.
Qui n’aimerait poursuivre encore un peu la course ?
Il mourra, il le faut, au nom de la vertu,
mais en a plein le cul qu’on lui cause ciguë !
Il se tâte, pensif, négligemment les bourses.
Banni que serait-il ? Un âne vagabond.
A sillonner la ville, il trouve son bonheur,
Émiettant par les rues son dit libérateur,
Ensemençant l’humain pour qu’il accède au bon.
Enfant de la Métis, dialecticien rusé,
Accoucheur et méduse, il aime la parole,
celle qui s’ouvre fraîche, ainsi qu’une corolle,
et vient en aide à qui se faisait abuser.
Histoire de choquer ses disciples béats,
il entonne euphorique un vieil air des armées,
lâche tonitruant un rot démesuré,
Et tire sur son joint entre deux résinas.
Ses compagnons sont saouls depuis au moins deux heures…
Hier, ou dans mille ans, il sait que tout est dit,
Que le progrès n’est qu’un hochet débile, un leurre
à la face du peuple agité par mépris.
Il veut philosopher sur la barbe, les poils,
Ainsi que tout jeune homme on le lui conseilla,
Quand il croyait savoir ce qu’il ne savait pas.
Maintenant qu’il est tard, tout lui est une étoile.
Il sait trop qu’on viendra bientôt le bâillonner,
Que la ligue des sots aura raison de lui.
-Ô sagesse impuissante à saisir ce qui fuit !-
C’est l’heure où l’insomniaque aimerait tant baiser.
pehache- Messages : 207
Date d'inscription : 10/08/2024
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Re: Portraits et tableaux
Non c'était pas chiant, merci pour votre réponse. Jaccottet, encore un que je ne connais pas, pfff, parcouru rapidos sa page Wiki, je retournerai voir. Brel aussi a dit un truc du genre "le plus dur n'est pas d'apprendre mais de désapprendre".
(Picasso, il a qd même fait des bons trucs, hein).
(Picasso, il a qd même fait des bons trucs, hein).
Lix- Messages : 828
Date d'inscription : 05/08/2024
Re: Portraits et tableaux
17. Socrate ? Il revient souvent dans vos textes. Faut que je relise
Lix- Messages : 828
Date d'inscription : 05/08/2024
Re: Portraits et tableaux
Lisez Jaccottet, c'est tellement fragile et émouvant!
Socrate, avec Diogène, ont tjs été des modèles pour moi (études de philo à l base). Socrate n'a pas écrit. C'est, pour l'essentiel, par l'entremise de son disciple (déviant) Platon que nous connaissons l'homme et ses méthodes (plus que ses "idées", invention platonicienne), la dialectique, la maïeutique...
Je ne jette pas tout Picasso, non. Pour moi, rapidement dans son oeuvre il choisit la provocation plus que la quête de l'art. Ce que je sais de l'homme, par ailleurs, ne me fait pas envie.
Socrate, avec Diogène, ont tjs été des modèles pour moi (études de philo à l base). Socrate n'a pas écrit. C'est, pour l'essentiel, par l'entremise de son disciple (déviant) Platon que nous connaissons l'homme et ses méthodes (plus que ses "idées", invention platonicienne), la dialectique, la maïeutique...
Je ne jette pas tout Picasso, non. Pour moi, rapidement dans son oeuvre il choisit la provocation plus que la quête de l'art. Ce que je sais de l'homme, par ailleurs, ne me fait pas envie.
pehache- Messages : 207
Date d'inscription : 10/08/2024
Re: Portraits et tableaux
18
Le vieux poète (1)
Le vieux poète est triste et sa page, elle, est blanche.
Il pose son stylo, il repousse sa chaise.
Il respire un bon coup, pour ce faire, il se penche,
Puis, d’un pas évasif, promène son malaise.
Au fond, n’ai-je chanté qu’un seul et même chant ?
récité psalmodié proféré éructé
caressé et vomi un seul et même chant ?
et mes ors et mes fers, mon clinquant,
n’auront été que brouhaha
pour masquer l’évident :
un seul et même et médiocre chant
J’avais la voix fluette et rien du tout à dire !
Il est tard maintenant, je vais aller mourir.
*
Le vieux poète (2)
Le vieux poète est las, ses Muses l’ont quitté,
l’enthousiasme… tout ça… Et puis l’Inspiration
l’emmerde. Il verse un peu de whisky dans son thé.
Il a, sa vie durant, prôné la distinction.
De ses contemporains, il n’a que peu à dire
n’ayant guère goûté l’oubli de la musique.
Le seul choix de l’image à ses yeux est martyre.
Il vomit plus que tout l’épanchement lyrique.
Ironique, il mania l’alexandrin foutraque,
ne dit-on pas que l’Ange ainsi que la Beauté
boitent ? Libres, les vers ? De cette liberté,
il fit le tour jadis. Pas de treizième au black !
De son art, délicat, il sait trop les limites,
même loués, ses vers ne sont que peu de choses
et ses rimes jamais n’échappent à la pose.
Depuis longtemps déjà, le poète s’imite.
Il s’interdit alors tous ces mots qui l’habitent,
exit la flèche et l’eau, pareillement la femme.
Il efface le chant, ses dérivés et l’âme,
gomme terre et semence, amours, larmes et bite.
En riant, il se dit qu’il a les couilles sèches.
Se meurt aussi le rire ainsi que fleur flétrit.
Il cherche quelque plaie. La langue qui les lèche,
par le passé, trouvait toujours quelque sanie.
Le vieux poète est las. Bouddha de pacotille
en ignorance expert. Quand le cri de l’oiseau,
la chouette, retentit, il ravale ses trilles,
sur ses pages la mort laisse errer son plumeau.
*
le vieux poète (3)
que chanterai-je alors que vieillesse m’atteint
le marron la chandelle ou les fruits de l’automne
dans le jaune et le rouge un cloche qui sonne
ou l’insomnie régnant jusqu’au petit matin
que chanterai-je alors que vieillesse m’abîme
la beauté de la femme attaquée par les rides
la fougue de l’amour dont on lâche les brides
ou le miroir terni que bêtement je mime
que chanterai-je alors que vieillesse m’aspire
l’envie d’être debout de tendre encor la main
de lutter malgré tout sauvegarder demain
mais las je ponds des vers dans lesquels je me mire
pehache- Messages : 207
Date d'inscription : 10/08/2024
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