Loser
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Loser
Elle s’est assise à côté de moi. Je me suis tourné vers la vitre. Lui ai donné le temps de trouver une occupation pour ne pas avoir à me regarder. J’avais imaginé et activement rêvé cette situation si souvent que j’avais fini par être intimement persuadé qu’elle ne se présenterait jamais. D’ailleurs, ça n’avait rien à voir avec ce que je souhaitais ou pas, cette probabilité nulle. Non, j’en étais simplement réduit à me demander comment expliquer ce qui se produisait. Drôle de hasard ? Dieu ? Destin ? Pas mal de dés, hein. Mon penchant pour le surnaturel m’a fait choisir Dieu. Au moins je pourrais toujours prier pour que ça finisse bien.
Dieu avait donc fait appel à un logiciel de la Sncf pour faire asseoir Lucienne à mes côtés dans un Paris-Montpellier plein, pratiquement sans escale. Trois heures et demie côte-à-côte. Comment faire ? En vingt-cinq ans je n’avais pas oublié son désaveu. Il m’est tout de suite venu l’idée d’aller passer mon temps au bar, bien sûr, mais cela supposait que je la fasse se lever pour me laisser passer. C’est-à-dire que j’induise une interaction, aussi minime fût-elle. J’ai beaucoup hésité. Comment réagirait-elle si je l’obligeait à se lever ? Il n’y avait rien de vital en jeu, non, bien sûr, mais la déranger, c’était l’obliger à me répondre en me laissant passer. Après, oui, ce serait simple, j’irais passer trois heures et demie au bar, l’embarras n’en serait plus un.
Pendant que je jonglais avec les possibilités que j’avais devant moi, j’ai pensé à celles qu’elle avait devant elle. Après tout, elle aussi pouvait se lever pour aller au bar sans qu’il y ait le moindre contact, ni des corps, ni des pensées, Y passer tout le temps nécessaire pour m’éviter. Cette idée a appelé son corollaire : elle pouvait comprendre seule que j’avais des raisons de ne pas vouloir la déranger alors qu’elle pouvait se lever, elle, sans dérangement ni interaction. Et cela n’a pas manqué d’aboutir aux questions : pourquoi donc ne se levait-elle pas ? Comment supportait-elle ma présence à ses côtés ? Espérait-elle que je la dérange une bonne fois pour toutes pour aller au bar parce qu’elle n’avait pas envie de quitter le confort de sa place ? J’ai pensé à tout cela le visage toujours tourné vers la fenêtre : il était hors de question de risquer de croiser son regard. Je me suis souvenu de mes rêves dans lesquels Lucienne et moi nous retrouvions assis l’un à côté de l’autre dans un TGV : alors un micro-événement, l’imprévu, se produisait afin que nous nous PARLIONS.
« Messieurs-dames, contrôle des titres de transport, svp ».
J’ai eu comme un petit frisson J’ai sorti mon téléphone pour afficher mon billet et j’ai essayé de regarder devant moi, le moins possible vers le couloir, mais le contrôleur approchant, j’ai bien été obligé de le regarder et de lui tendre mon écran en passant mon bras devant Lucienne. Elle avait un air contrarié en regardant l’écran noir de son téléphone.
— Je suis désolée, mon téléphone est déchargé et je n’ai ni mon chargeur ni mon câble, a-t-elle fait au contrôleur.
— Tu as quoi comme téléphone ? lui ai-je demandé.
— Un iPhone, mais l’avant-dernière génération, avec le lightning.
— J’ai. Câble et chargeur. Il y a une prise de mon côté.
Le contrôleur lui a dit qu’il repasserait dans dix minutes et la suite a été parfaitement imprévisible, exactement comme dans mes rêves.
Elle venait d’inventer la panne du téléphone en espérant très fort une intervention de ma part, elle désespérait de me voir regarder ailleurs que vers la fenêtre et elle supportait difficilement mon silence indifférent. La partie devenait trop facile pour moi. Je lui ai dit que j’étais heureux, marié, trois fois père et cinq fois grand-père.
Dieu avait donc fait appel à un logiciel de la Sncf pour faire asseoir Lucienne à mes côtés dans un Paris-Montpellier plein, pratiquement sans escale. Trois heures et demie côte-à-côte. Comment faire ? En vingt-cinq ans je n’avais pas oublié son désaveu. Il m’est tout de suite venu l’idée d’aller passer mon temps au bar, bien sûr, mais cela supposait que je la fasse se lever pour me laisser passer. C’est-à-dire que j’induise une interaction, aussi minime fût-elle. J’ai beaucoup hésité. Comment réagirait-elle si je l’obligeait à se lever ? Il n’y avait rien de vital en jeu, non, bien sûr, mais la déranger, c’était l’obliger à me répondre en me laissant passer. Après, oui, ce serait simple, j’irais passer trois heures et demie au bar, l’embarras n’en serait plus un.
Pendant que je jonglais avec les possibilités que j’avais devant moi, j’ai pensé à celles qu’elle avait devant elle. Après tout, elle aussi pouvait se lever pour aller au bar sans qu’il y ait le moindre contact, ni des corps, ni des pensées, Y passer tout le temps nécessaire pour m’éviter. Cette idée a appelé son corollaire : elle pouvait comprendre seule que j’avais des raisons de ne pas vouloir la déranger alors qu’elle pouvait se lever, elle, sans dérangement ni interaction. Et cela n’a pas manqué d’aboutir aux questions : pourquoi donc ne se levait-elle pas ? Comment supportait-elle ma présence à ses côtés ? Espérait-elle que je la dérange une bonne fois pour toutes pour aller au bar parce qu’elle n’avait pas envie de quitter le confort de sa place ? J’ai pensé à tout cela le visage toujours tourné vers la fenêtre : il était hors de question de risquer de croiser son regard. Je me suis souvenu de mes rêves dans lesquels Lucienne et moi nous retrouvions assis l’un à côté de l’autre dans un TGV : alors un micro-événement, l’imprévu, se produisait afin que nous nous PARLIONS.
« Messieurs-dames, contrôle des titres de transport, svp ».
J’ai eu comme un petit frisson J’ai sorti mon téléphone pour afficher mon billet et j’ai essayé de regarder devant moi, le moins possible vers le couloir, mais le contrôleur approchant, j’ai bien été obligé de le regarder et de lui tendre mon écran en passant mon bras devant Lucienne. Elle avait un air contrarié en regardant l’écran noir de son téléphone.
— Je suis désolée, mon téléphone est déchargé et je n’ai ni mon chargeur ni mon câble, a-t-elle fait au contrôleur.
— Tu as quoi comme téléphone ? lui ai-je demandé.
— Un iPhone, mais l’avant-dernière génération, avec le lightning.
— J’ai. Câble et chargeur. Il y a une prise de mon côté.
Le contrôleur lui a dit qu’il repasserait dans dix minutes et la suite a été parfaitement imprévisible, exactement comme dans mes rêves.
Elle venait d’inventer la panne du téléphone en espérant très fort une intervention de ma part, elle désespérait de me voir regarder ailleurs que vers la fenêtre et elle supportait difficilement mon silence indifférent. La partie devenait trop facile pour moi. Je lui ai dit que j’étais heureux, marié, trois fois père et cinq fois grand-père.
Dernière édition par Titi le 31.10.24 20:30, édité 4 fois
Titi- Messages : 176
Date d'inscription : 08/08/2024
Localisation : Perpignan
Lix, Phil BOTTLE et Tinouch aiment ce message
Re: Loser
Fallait l'oser...
Phil BOTTLE- Messages : 334
Date d'inscription : 06/08/2024
Age : 69
Localisation : Au pays des vents
Re: Loser
ha ha, n'importe quoi, mais quel idiot celui-là !
(Trois heures et demiE)
(elle désespèrait (désespérait) de me voir regarder ailleurs que vers la fenêtre et ele (elle) supportait difficilement mon silence indifférent)
(Trois heures et demiE)
(elle désespèrait (désespérait) de me voir regarder ailleurs que vers la fenêtre et ele (elle) supportait difficilement mon silence indifférent)
Lix- Messages : 924
Date d'inscription : 05/08/2024
Titi aime ce message
Re: Loser
C'est lu. L'ose!
Phil BOTTLE- Messages : 334
Date d'inscription : 06/08/2024
Age : 69
Localisation : Au pays des vents
Re: Loser
Merci Lix pour ta relecture !
Titi- Messages : 176
Date d'inscription : 08/08/2024
Localisation : Perpignan
Re: Loser
Allez Titi, vlà les paroles... à toi la zizique..
.Curaçao blues
Ce soir, n'me cherchez pas
Ce soir, je n'suis pas là
J'ai le spleen, le cafard
Oui ce soir, tout m'est noir.
Tout m'est noir.
J'ai le blues !
Mais pas en noir et blanc
Curaçao blues
Curaçao blues !
Ce soir, je suis au bar
Accoudé au comptoir
J'ai cassé tous les verres
Et j'ai roulé par terre.
Je suis gris.
J'ai le blues !
Mais pas de blanc et noir
Curaçao blues
Curaçao blues !
Le blues de l'île perdue,
Vieux paradis vendu
L'idéal assombri
Et le bourdon vrombit.
Je suis cuit. J'ai le blues !
Mais pas en noir et blanc
Curaçao blues
Curaçao blues !
Ce soir, sous le lino
Mon Dieu, le sol est beau !
Le ciment est tout bleu
De l'alcool des adieux
Je suis mal, j'ai le blues !
Mais pas de blanc et noir
Curaçao blues
Curaçao blues !
Mais pas en noir et blanc
Le bon curaçao blues
Curaçao blues
Curaçao blues !
.Curaçao blues
Ce soir, n'me cherchez pas
Ce soir, je n'suis pas là
J'ai le spleen, le cafard
Oui ce soir, tout m'est noir.
Tout m'est noir.
J'ai le blues !
Mais pas en noir et blanc
Curaçao blues
Curaçao blues !
Ce soir, je suis au bar
Accoudé au comptoir
J'ai cassé tous les verres
Et j'ai roulé par terre.
Je suis gris.
J'ai le blues !
Mais pas de blanc et noir
Curaçao blues
Curaçao blues !
Le blues de l'île perdue,
Vieux paradis vendu
L'idéal assombri
Et le bourdon vrombit.
Je suis cuit. J'ai le blues !
Mais pas en noir et blanc
Curaçao blues
Curaçao blues !
Ce soir, sous le lino
Mon Dieu, le sol est beau !
Le ciment est tout bleu
De l'alcool des adieux
Je suis mal, j'ai le blues !
Mais pas de blanc et noir
Curaçao blues
Curaçao blues !
Mais pas en noir et blanc
Le bon curaçao blues
Curaçao blues
Curaçao blues !
Phil BOTTLE- Messages : 334
Date d'inscription : 06/08/2024
Age : 69
Localisation : Au pays des vents
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