Nord (Titi_Zêvé / Jean Paul / Lix_Drekaz / Fid-ho_Jerzan)
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Nord (Titi_Zêvé / Jean Paul / Lix_Drekaz / Fid-ho_Jerzan)
Nord
Le froid. Le vrai froid. Du blanc, du blanc, du blanc, jusqu'à perte de vue. Une neige infinie, un silence abrutissant et le temps arrêté. Le seul bruit possible, mes pas, enfoncés jusqu'aux genoux. Toutes les directions sont possibles. Ce n'est que l'arbitraire qui me fait choisir celle-ci, l'espoir est maigre et je n'ai que ça. Avancer, droit. Hormis mon sang qui tape, seuls deux ou trois corbeaux, signes de vie sur fond de ciel blanc. Je vais m'arrêter. Je n'en peux plus. Il parait que mourir de froid n'est pas si terrible que ça. Qu'on s'endort, tout simplement. Et qu'on ne se sent pas mourir. Que le sommeil vient avant.
Je ne suis pas homme à me laisser aller.
Surtout rester en mouvement !
Je continue à brasser la neige, je sens bien que le vent glacial produit son effet, mes extrémités deviennent insensibles, je suis pris de frissons incontrôlables et de violentes envies de pisser. (Confronté à une telle situation on ne châtie pas son vocabulaire.)
Exténué, au bord du renoncement, je tombe, me relève, marche un peu et retombe dans la poudreuse. Je ne ressens plus rien.
Le désespoir s'empare de moi.
A ce moment-là, vision presque paradisiaque, émerge de la brume le lac gelé et sa presqu'île caractéristique.
Je sais où je suis.
À quelques encablures d’ici doit se trouver l’autel chamanique que j’avais autrefois entraperçu et les huttes de pêcheurs où je pourrais reprendre vie.
Je suis sauvé.
Quelle idée ai-je eue de vouloir renouveler une expédition solitaire en Mandchourie… reproduire celle réalisée à l’aube de mes trente ans. J’en ai quarante de plus, les pieds bandés, les mains gercées plaquées contre mon visage creux. Deux volatiles me frôlent "Dégagez, charognards ! je n’ai pas l’intention de céder !"
Ne pas lâcher...La tête raidie, mâchoires crispées, membres paralysés, je sombre, je ne sais plus qui je suis…
Ils m'appelaient Ho-Keu... Elle disait : "ça fait plus local"…
On les a conduits jusqu'à Shan Dan… 60 orphelins… J’y reviens pour retrouver Li-Wei... J'y suis peut-être, déjà ? On dit que là-bas le froid fait tomber le nez…
On avait fui Huang Shi, pour échapper à quoi ? ...
Je revois les soldats chinois, fusillés, entassés sur les rives du Yang Tse Kiang, me jeter leurs grimaces au visage ; et les corps des femmes et enfants de Nankin, mutilés par les fous de l'armée du Japon…
Je m'endors parmi les cadavres, ma couche douce, légère, flotte dans une lumière diffuse et blanchâtre…
J'étais reporter...Elle était infirmière…
HOGGHE... Je m'appelle James HOGGHE...
— Monsieur Hogghe ?
— Oui ? Où suis-je ? Qui êtes-vous ?
— Vous êtes au premier hôpital populaire de Xining et vous vous réveillez après 16 heures d’un sommeil profond. Je suis le docteur Pei.
— Hôpital ?
— Vous avez été repéré par hasard par un hélicoptère de la sécurité civile de Chine aux abords du Lac Hala, à moitié endormi dans la neige. Vous déliriez, parait-il. À quelques quarts d’heure près, vous étiez mort.
— Je délirais ?
— Avant de vous endormir pour de bon, vous prononciez les noms de Li-Wei et Bridget, selon les secouristes.
— Et le lac Hala ?
— Un petit lac d’altitude à quelque 500 km d’ici. Vous avez le temps de récupérer, rien ne presse.
— Li-Wei... Bridget... Je...Quel jour sommes-nous, s’il vous plait ?
— Nous sommes le 9 juillet 1985, Monsieur Hogghe.
— Docteur, puis-je avoir un miroir ?
Il me tend alors une glace qui me renvoie l’image d’un vieil homme fatigué au visage marqué d’importantes engelures.
De mes mains bandées, je soulève les draps. Mes pieds eux aussi sont emmaillotés.
Dans un réflexe de survie, l'afflux de sang vers mes extrémités, a été coupé et le noircissement de mon nez et de mes pommettes n'augure rien de bon.
Je connais hélas le tarif : mes doigts, mes orteils voire le bout de mon nez risquent d'être amputés.
Seul avec moi-même, je me remémore les mots du docteur.
Li Wei ! Comment l’oublier ? Le coup de foudre a été immédiat. Ce petit bout de femme au caractère affirmé, aux coiffures improbables et à la plastique parfaite sous des vêtements informes est l’amour de ma vie ; une créature parfaite qu’il est impossible de rayer de sa mémoire.
De Bridget, par contre, je n’ai aucun souvenir. Le froid a dû me faire péter quelques neurones.
— Monsieur Hughes ? Bon sang, calmez-vous ! Nous sommes en train de le perdre, Professeur Bridge, venez vite ! Il est aussi froid qu’un glaçon, ses délires l’entraînent je ne sais où en Mandchourie sous le nom de Hogghe.
— Hogghe ? sans doute a-t-il sélectionné le nom le plus proche du sien trouvé dans la puce que nous lui avons greffée. Desserrez les sangles un moment, débrouillez-vous pour le remettre en état et modifiez les données, je veux qu’il aille au Pôle Nord.
Les écrans clignotent, l'électro presque plat...Pendant que l'équipe s'affaire, autour du patient, le professeur Bridge se fait interpeler, dans le couloir.
— Pouvez-vous me dire pourquoi vous avez amené Mr HOGGHE dans vos services ? Cet homme est sous ma responsabilité.
— Mr PEI. Le transfert a été effectué avec ordre du gouvernement. Il relève maintenant de ma juridiction...
Quelques heures plus tard, au chevet de HOGGHE/HUGGUES emmailloté et anesthésié :
— Réaction au traitement, post-infarctus ?
— Après stabilisation, grâce à votre formule, la culture de l'échantillon prélevé sur le cœur, a fait multiplier les progéniteurs cardiaques. Muscle tout neuf dans 2 jours !
— Les extrémités, le visage ?
— Les cellules souches agissent. Corps de jeunot dans une semaine !
— Les données ?
— Mr CIXING est injoignable...
— De retour dans son bureau, Bridge, énervé, saisit son téléphone particulier :
— Docteur CiXING, votre puce a déconné, veuillez vous rendre dans les plus brefs délais, au quartier BX5.
Attenant à son bureau officiel, son salon discret — et autrement plus confortable, presque entièrement décoré par des fournisseurs français et italiens — permet au Professeur Bridge de recevoir en toute confiance. Il vient de servir au Docteur Cixing un Talisker et de lui offrir un havane.
— Docteur Cixing, votre puce a failli coûter la vie à Hog. Ce n’est pas que je tienne à lui, mais vu les sommes investies dans le programme, je me vois mal annoncer au gouvernement qu’on a perdu la puce. On n’en a qu’une et lorsqu’il mourra, c’est plus d’un milliard et demi qu’on perdra. Autrement dit, rien ne presse.
— Je sais cela, Professeur Bridge, et votre ton britannique me rappelle que je me demande toujours pourquoi nos services ont fait appel à vous. Pour ce qui est de la puce, vous ne le saviez pas, mais elle est reprogrammable.
— Quel scénario choisir maintenant ? Pôle Nord, je sais, nous conservons l’option : grand froid. Fini l’humanitaire au passé aventureux, obsédé par un ancien amour, capable de tout pour la retrouver. Nous sommes bien d’accord ? Nous allons éviter l’étiquette : agent secret, playboy, trahisons à tour de bras avec à la clé libération du peuple Inuit. Donc : scientifique ? aventurier ? touriste ?
— Ne prenons pas de risque : touriste.
— Pour la personnalité : fort caractère ? personnage falot, pusillanime ?
— Pusillanime, j’aime bien le mot.
— Voilà, j’ai en magasin un héritier qui dilapide consciencieusement son héritage.
— Ses centres d’intérêt : sport, nouvelles technologies…
— Blasé de tout me conviendrait parfaitement.
— Pour les rencontres : une scientifique coincée, une belle aventurière...
— Je vous laisse choisir.
— La chance est avec nous, nos relations avec les russes sont actuellement au beau fixe, notre homme embarquera à Mourmansk sur un brise-glace : juillet c’est la bonne période.
Les deux hommes restent quelques instants dans le silence, le Professeur Bridge se lève, ressert deux verres de l’excellent breuvage ambré puis reprend :
— Il partira sous le nom de Falko Bodmann. Faisons-lui préparer de nouveaux papiers et sa valise, sans oublier des bottes fourrées. Ha ha ha il n’aura pas besoin de ses sandales Birkenstock ! Désignez également un agent qui l’accompagnera en tant que secrétaire particulier de gosse de riche, ça évitera de nouveaux dégâts.
Sept jours plus tard, ni whisky ni cigare. Les deux protagonistes, alliés, grâce à la politique d'ouverture vers l'occident, arborent une mine sombre :
— Mr Cixing, votre puce était programmable. Quel est le problème ?
— Sous l'effet du froid, les circuits se sont dégradés, nous devons extraire, réinitialiser et réimplanter.
— Impossible, dans l'immédiat ! Les membres inférieurs et supérieurs sont régénérés, mais nous avons un problème avec le coeur. Les cardiomyocytes, malmenées par les basses températures, ont proliféré, mais pas à leur potentiel maximum. Nous avons besoin de deux semaines supplémentaires. Alors, vous pourrez opérer. Pour l'instant, il est plongé dans un coma artificiel, afin de préserver les autres organes. A son réveil, il devra faire une réadaptation sportive, accompagnée d'une alimentation adéquate...
— Si nous trainons, ce sera trop tard pour le brise-glace, la couche va s'épaissir!
— Vous oubliez l'hélico, mon cher ...
Alors que Hugues, le souffle régulier, se promène paisiblement dans les quasi-limbes d’un coma profond, une donnée attire l’attention de l’interne. La saturation en oxygène est redevenue normale en très peu de temps. Il vérifie, par réflexe, d’autres données. Elles indiquent toutes une amélioration rapide et sensible de l’état de Hugues. L’interne fait appeler Bridge sans tarder. Les améliorations globales, rapides et surtout inexplicables de l’état d’un patient n’augurent rien de bon. Le plus souvent elles précèdent de peu le décès.
Arrivant dans le couloir à grandes enjambées, le Professeur ne cache pas son inquiétude :
— Trop de coma tue le coma, il faut le sortir de là !
Une voix inconnue se fait alors entendre :
— Virez-moi tous ces tuyaux et donnez-moi une boussole ! Le Nord ! Je veux le Nord !
Ces mots, hurlés d’une voix d’outre tombe, ont été les dernières paroles intelligibles de Hugues (ou HOGGHE à moins que ce ne soit HUGGHES … enfin, bref vous m’avez compris)
Il s’est mis à baver, tressauter, trembler ; sa respiration s’est accélérée pour finalement s'arrêter. Après une dernière convulsion, il s'est raidi.
Il venait au prix d’horribles souffrances de passer de vie à trépas.
Bridge toujours aussi réaliste a lâché en matière d'ultime oraison :
- Qu'est ce qu’on fait du corps ?
- Ne vous mettez pas martel en tête, nos services vont nous en débarrasser...
Bien plus tard :
- Cixing ? Où est le corps ?
- Tout a très vite été réglé, la dépouille totalement désintégrée, rapidement, efficacement : à la chinoise. Il ne reste plus sur terre la moindre trace de son passage.
- Hǔnluàn*! Et la puce ? La puce ?
* Hǔnluàn ! = Bordel !
Le froid. Le vrai froid. Du blanc, du blanc, du blanc, jusqu'à perte de vue. Une neige infinie, un silence abrutissant et le temps arrêté. Le seul bruit possible, mes pas, enfoncés jusqu'aux genoux. Toutes les directions sont possibles. Ce n'est que l'arbitraire qui me fait choisir celle-ci, l'espoir est maigre et je n'ai que ça. Avancer, droit. Hormis mon sang qui tape, seuls deux ou trois corbeaux, signes de vie sur fond de ciel blanc. Je vais m'arrêter. Je n'en peux plus. Il parait que mourir de froid n'est pas si terrible que ça. Qu'on s'endort, tout simplement. Et qu'on ne se sent pas mourir. Que le sommeil vient avant.
Je ne suis pas homme à me laisser aller.
Surtout rester en mouvement !
Je continue à brasser la neige, je sens bien que le vent glacial produit son effet, mes extrémités deviennent insensibles, je suis pris de frissons incontrôlables et de violentes envies de pisser. (Confronté à une telle situation on ne châtie pas son vocabulaire.)
Exténué, au bord du renoncement, je tombe, me relève, marche un peu et retombe dans la poudreuse. Je ne ressens plus rien.
Le désespoir s'empare de moi.
A ce moment-là, vision presque paradisiaque, émerge de la brume le lac gelé et sa presqu'île caractéristique.
Je sais où je suis.
À quelques encablures d’ici doit se trouver l’autel chamanique que j’avais autrefois entraperçu et les huttes de pêcheurs où je pourrais reprendre vie.
Je suis sauvé.
Quelle idée ai-je eue de vouloir renouveler une expédition solitaire en Mandchourie… reproduire celle réalisée à l’aube de mes trente ans. J’en ai quarante de plus, les pieds bandés, les mains gercées plaquées contre mon visage creux. Deux volatiles me frôlent "Dégagez, charognards ! je n’ai pas l’intention de céder !"
Ne pas lâcher...La tête raidie, mâchoires crispées, membres paralysés, je sombre, je ne sais plus qui je suis…
Ils m'appelaient Ho-Keu... Elle disait : "ça fait plus local"…
On les a conduits jusqu'à Shan Dan… 60 orphelins… J’y reviens pour retrouver Li-Wei... J'y suis peut-être, déjà ? On dit que là-bas le froid fait tomber le nez…
On avait fui Huang Shi, pour échapper à quoi ? ...
Je revois les soldats chinois, fusillés, entassés sur les rives du Yang Tse Kiang, me jeter leurs grimaces au visage ; et les corps des femmes et enfants de Nankin, mutilés par les fous de l'armée du Japon…
Je m'endors parmi les cadavres, ma couche douce, légère, flotte dans une lumière diffuse et blanchâtre…
J'étais reporter...Elle était infirmière…
HOGGHE... Je m'appelle James HOGGHE...
— Monsieur Hogghe ?
— Oui ? Où suis-je ? Qui êtes-vous ?
— Vous êtes au premier hôpital populaire de Xining et vous vous réveillez après 16 heures d’un sommeil profond. Je suis le docteur Pei.
— Hôpital ?
— Vous avez été repéré par hasard par un hélicoptère de la sécurité civile de Chine aux abords du Lac Hala, à moitié endormi dans la neige. Vous déliriez, parait-il. À quelques quarts d’heure près, vous étiez mort.
— Je délirais ?
— Avant de vous endormir pour de bon, vous prononciez les noms de Li-Wei et Bridget, selon les secouristes.
— Et le lac Hala ?
— Un petit lac d’altitude à quelque 500 km d’ici. Vous avez le temps de récupérer, rien ne presse.
— Li-Wei... Bridget... Je...Quel jour sommes-nous, s’il vous plait ?
— Nous sommes le 9 juillet 1985, Monsieur Hogghe.
— Docteur, puis-je avoir un miroir ?
Il me tend alors une glace qui me renvoie l’image d’un vieil homme fatigué au visage marqué d’importantes engelures.
De mes mains bandées, je soulève les draps. Mes pieds eux aussi sont emmaillotés.
Dans un réflexe de survie, l'afflux de sang vers mes extrémités, a été coupé et le noircissement de mon nez et de mes pommettes n'augure rien de bon.
Je connais hélas le tarif : mes doigts, mes orteils voire le bout de mon nez risquent d'être amputés.
Seul avec moi-même, je me remémore les mots du docteur.
Li Wei ! Comment l’oublier ? Le coup de foudre a été immédiat. Ce petit bout de femme au caractère affirmé, aux coiffures improbables et à la plastique parfaite sous des vêtements informes est l’amour de ma vie ; une créature parfaite qu’il est impossible de rayer de sa mémoire.
De Bridget, par contre, je n’ai aucun souvenir. Le froid a dû me faire péter quelques neurones.
— Monsieur Hughes ? Bon sang, calmez-vous ! Nous sommes en train de le perdre, Professeur Bridge, venez vite ! Il est aussi froid qu’un glaçon, ses délires l’entraînent je ne sais où en Mandchourie sous le nom de Hogghe.
— Hogghe ? sans doute a-t-il sélectionné le nom le plus proche du sien trouvé dans la puce que nous lui avons greffée. Desserrez les sangles un moment, débrouillez-vous pour le remettre en état et modifiez les données, je veux qu’il aille au Pôle Nord.
Les écrans clignotent, l'électro presque plat...Pendant que l'équipe s'affaire, autour du patient, le professeur Bridge se fait interpeler, dans le couloir.
— Pouvez-vous me dire pourquoi vous avez amené Mr HOGGHE dans vos services ? Cet homme est sous ma responsabilité.
— Mr PEI. Le transfert a été effectué avec ordre du gouvernement. Il relève maintenant de ma juridiction...
Quelques heures plus tard, au chevet de HOGGHE/HUGGUES emmailloté et anesthésié :
— Réaction au traitement, post-infarctus ?
— Après stabilisation, grâce à votre formule, la culture de l'échantillon prélevé sur le cœur, a fait multiplier les progéniteurs cardiaques. Muscle tout neuf dans 2 jours !
— Les extrémités, le visage ?
— Les cellules souches agissent. Corps de jeunot dans une semaine !
— Les données ?
— Mr CIXING est injoignable...
— De retour dans son bureau, Bridge, énervé, saisit son téléphone particulier :
— Docteur CiXING, votre puce a déconné, veuillez vous rendre dans les plus brefs délais, au quartier BX5.
Attenant à son bureau officiel, son salon discret — et autrement plus confortable, presque entièrement décoré par des fournisseurs français et italiens — permet au Professeur Bridge de recevoir en toute confiance. Il vient de servir au Docteur Cixing un Talisker et de lui offrir un havane.
— Docteur Cixing, votre puce a failli coûter la vie à Hog. Ce n’est pas que je tienne à lui, mais vu les sommes investies dans le programme, je me vois mal annoncer au gouvernement qu’on a perdu la puce. On n’en a qu’une et lorsqu’il mourra, c’est plus d’un milliard et demi qu’on perdra. Autrement dit, rien ne presse.
— Je sais cela, Professeur Bridge, et votre ton britannique me rappelle que je me demande toujours pourquoi nos services ont fait appel à vous. Pour ce qui est de la puce, vous ne le saviez pas, mais elle est reprogrammable.
— Quel scénario choisir maintenant ? Pôle Nord, je sais, nous conservons l’option : grand froid. Fini l’humanitaire au passé aventureux, obsédé par un ancien amour, capable de tout pour la retrouver. Nous sommes bien d’accord ? Nous allons éviter l’étiquette : agent secret, playboy, trahisons à tour de bras avec à la clé libération du peuple Inuit. Donc : scientifique ? aventurier ? touriste ?
— Ne prenons pas de risque : touriste.
— Pour la personnalité : fort caractère ? personnage falot, pusillanime ?
— Pusillanime, j’aime bien le mot.
— Voilà, j’ai en magasin un héritier qui dilapide consciencieusement son héritage.
— Ses centres d’intérêt : sport, nouvelles technologies…
— Blasé de tout me conviendrait parfaitement.
— Pour les rencontres : une scientifique coincée, une belle aventurière...
— Je vous laisse choisir.
— La chance est avec nous, nos relations avec les russes sont actuellement au beau fixe, notre homme embarquera à Mourmansk sur un brise-glace : juillet c’est la bonne période.
Les deux hommes restent quelques instants dans le silence, le Professeur Bridge se lève, ressert deux verres de l’excellent breuvage ambré puis reprend :
— Il partira sous le nom de Falko Bodmann. Faisons-lui préparer de nouveaux papiers et sa valise, sans oublier des bottes fourrées. Ha ha ha il n’aura pas besoin de ses sandales Birkenstock ! Désignez également un agent qui l’accompagnera en tant que secrétaire particulier de gosse de riche, ça évitera de nouveaux dégâts.
Sept jours plus tard, ni whisky ni cigare. Les deux protagonistes, alliés, grâce à la politique d'ouverture vers l'occident, arborent une mine sombre :
— Mr Cixing, votre puce était programmable. Quel est le problème ?
— Sous l'effet du froid, les circuits se sont dégradés, nous devons extraire, réinitialiser et réimplanter.
— Impossible, dans l'immédiat ! Les membres inférieurs et supérieurs sont régénérés, mais nous avons un problème avec le coeur. Les cardiomyocytes, malmenées par les basses températures, ont proliféré, mais pas à leur potentiel maximum. Nous avons besoin de deux semaines supplémentaires. Alors, vous pourrez opérer. Pour l'instant, il est plongé dans un coma artificiel, afin de préserver les autres organes. A son réveil, il devra faire une réadaptation sportive, accompagnée d'une alimentation adéquate...
— Si nous trainons, ce sera trop tard pour le brise-glace, la couche va s'épaissir!
— Vous oubliez l'hélico, mon cher ...
Alors que Hugues, le souffle régulier, se promène paisiblement dans les quasi-limbes d’un coma profond, une donnée attire l’attention de l’interne. La saturation en oxygène est redevenue normale en très peu de temps. Il vérifie, par réflexe, d’autres données. Elles indiquent toutes une amélioration rapide et sensible de l’état de Hugues. L’interne fait appeler Bridge sans tarder. Les améliorations globales, rapides et surtout inexplicables de l’état d’un patient n’augurent rien de bon. Le plus souvent elles précèdent de peu le décès.
Arrivant dans le couloir à grandes enjambées, le Professeur ne cache pas son inquiétude :
— Trop de coma tue le coma, il faut le sortir de là !
Une voix inconnue se fait alors entendre :
— Virez-moi tous ces tuyaux et donnez-moi une boussole ! Le Nord ! Je veux le Nord !
Ces mots, hurlés d’une voix d’outre tombe, ont été les dernières paroles intelligibles de Hugues (ou HOGGHE à moins que ce ne soit HUGGHES … enfin, bref vous m’avez compris)
Il s’est mis à baver, tressauter, trembler ; sa respiration s’est accélérée pour finalement s'arrêter. Après une dernière convulsion, il s'est raidi.
Il venait au prix d’horribles souffrances de passer de vie à trépas.
Bridge toujours aussi réaliste a lâché en matière d'ultime oraison :
- Qu'est ce qu’on fait du corps ?
- Ne vous mettez pas martel en tête, nos services vont nous en débarrasser...
Bien plus tard :
- Cixing ? Où est le corps ?
- Tout a très vite été réglé, la dépouille totalement désintégrée, rapidement, efficacement : à la chinoise. Il ne reste plus sur terre la moindre trace de son passage.
- Hǔnluàn*! Et la puce ? La puce ?
* Hǔnluàn ! = Bordel !
Dernière édition par Lix le 02.10.24 17:04, édité 24 fois
Lix- Messages : 862
Date d'inscription : 05/08/2024
Re: Nord (Titi_Zêvé / Jean Paul / Lix_Drekaz / Fid-ho_Jerzan)
Nouvelle histoire à construire avec titre et début proposés par Zêvé ( [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien])
Qui prend la main ?
Le froid. Le vrai froid. Du blanc, du blanc, du blanc, jusqu'à perte de vue. Une neige infinie, un silence abrutissant et le temps arrêté. Le seul bruit possible, mes pas, enfoncés jusqu'aux genoux. Toutes les directions sont possibles. Ce n'est que l'arbitraire qui me fait choisir celle-ci, l'espoir est maigre et je n'ai que ça. Avancer, droit. Hormis mon sang qui tape, seuls deux ou trois corbeaux, signes de vie sur fond de ciel blanc. Je vais m'arrêter. Je n'en peux plus. Il parait que mourir de froid n'est pas si terrible que ça. Qu'on s'endort, tout simplement. Et qu'on ne se sent pas mourir. Que le sommeil vient avant.
Qui prend la main ?
Le froid. Le vrai froid. Du blanc, du blanc, du blanc, jusqu'à perte de vue. Une neige infinie, un silence abrutissant et le temps arrêté. Le seul bruit possible, mes pas, enfoncés jusqu'aux genoux. Toutes les directions sont possibles. Ce n'est que l'arbitraire qui me fait choisir celle-ci, l'espoir est maigre et je n'ai que ça. Avancer, droit. Hormis mon sang qui tape, seuls deux ou trois corbeaux, signes de vie sur fond de ciel blanc. Je vais m'arrêter. Je n'en peux plus. Il parait que mourir de froid n'est pas si terrible que ça. Qu'on s'endort, tout simplement. Et qu'on ne se sent pas mourir. Que le sommeil vient avant.
Lix- Messages : 862
Date d'inscription : 05/08/2024
Dolo Tarras et Jean Paul aiment ce message
Re: Nord (Titi_Zêvé / Jean Paul / Lix_Drekaz / Fid-ho_Jerzan)
Je ne suis pas homme à me laisser aller.
Surtout rester en mouvement!
Je continue à brasser la neige, je sens bien que le vent glacial produit son effet, mes extrémités deviennent insensibles, je suis pris de frissons incontrôlables et de violentes envies de pisser. ( confronté à une telle situation on ne châtie pas son vocabulaire.)
Exténué, au bord du renoncement, je tombe, me relève, marche un peu et retombe dans la poudreuse. Je ne ressens plus rien.
Le désespoir s'empare de moi.
A ce moment-là, vision presque paradisiaque, émerge de la brume le lac gelé et sa presqu'île caractéristique.
Je sais où je suis.
A quelques encablures d’ici doit se trouver l’autel chamanique que j’avais autrefois entraperçu et les huttes de pêcheurs où je pourrais reprendre vie.
Je suis sauvé.
Surtout rester en mouvement!
Je continue à brasser la neige, je sens bien que le vent glacial produit son effet, mes extrémités deviennent insensibles, je suis pris de frissons incontrôlables et de violentes envies de pisser. ( confronté à une telle situation on ne châtie pas son vocabulaire.)
Exténué, au bord du renoncement, je tombe, me relève, marche un peu et retombe dans la poudreuse. Je ne ressens plus rien.
Le désespoir s'empare de moi.
A ce moment-là, vision presque paradisiaque, émerge de la brume le lac gelé et sa presqu'île caractéristique.
Je sais où je suis.
A quelques encablures d’ici doit se trouver l’autel chamanique que j’avais autrefois entraperçu et les huttes de pêcheurs où je pourrais reprendre vie.
Je suis sauvé.
Jean Paul- Messages : 172
Date d'inscription : 06/08/2024
Lix, Dolo Tarras, Fid-ho LAKHA et Titi aiment ce message
Re: Nord (Titi_Zêvé / Jean Paul / Lix_Drekaz / Fid-ho_Jerzan)
Nous avons pour le moment, Titi et Jean. Qui prendra la suite ? De mon côté j'ai bien envie de rester spectateur !
Lix- Messages : 862
Date d'inscription : 05/08/2024
Re: Nord (Titi_Zêvé / Jean Paul / Lix_Drekaz / Fid-ho_Jerzan)
Allez, un petit effort!
Jean Paul- Messages : 172
Date d'inscription : 06/08/2024
Re: Nord (Titi_Zêvé / Jean Paul / Lix_Drekaz / Fid-ho_Jerzan)
Lix a écrit:Nous avons pour le moment, Titi et Jean. Qui prendra la suite ? De mon côté j'ai bien envie de rester spectateur !
Ben, pareil pour moi !
Dolo Tarras- Messages : 181
Date d'inscription : 06/08/2024
Re: Nord (Titi_Zêvé / Jean Paul / Lix_Drekaz / Fid-ho_Jerzan)
Allez les filles un bon mouvement, on convainc Fido et on se fait un plan à 5.
En insistant un peu ,Tinouch nous fait quelques illustrations.
En insistant un peu ,Tinouch nous fait quelques illustrations.
Jean Paul- Messages : 172
Date d'inscription : 06/08/2024
Fid-ho LAKHA aime ce message
Re: Nord (Titi_Zêvé / Jean Paul / Lix_Drekaz / Fid-ho_Jerzan)
carrément un 5_claviers ? ça va être chaud :-) bon, je prends, si vous me laissez un peu de temps pour m'immerger dans la fraîcheur du lac gelé et... m'habituer à mon nouvel ordi !!!
Lix- Messages : 862
Date d'inscription : 05/08/2024
Fid-ho LAKHA et Tinouch aiment ce message
Re: Nord (Titi_Zêvé / Jean Paul / Lix_Drekaz / Fid-ho_Jerzan)
Quelle idée ai-je eue de vouloir renouveler une expédition solitaire en Mandchourie… reproduire celle réalisée à l’aube de mes trente ans. J’en ai quarante de plus, les pieds bandés, les mains gercées plaquées contre mon visage creux. Deux volatiles me frôlent "Dégagez, charognards ! je n’ai pas l’intention de céder !"
Lix- Messages : 862
Date d'inscription : 05/08/2024
Dolo Tarras et Fid-ho LAKHA aiment ce message
Re: Nord (Titi_Zêvé / Jean Paul / Lix_Drekaz / Fid-ho_Jerzan)
Ok! Je vais m’y coller…Laissez moi d’abord faire un petit voyage en Mandchourie…
Fid-ho LAKHA- Messages : 471
Date d'inscription : 07/08/2024
Re: Nord (Titi_Zêvé / Jean Paul / Lix_Drekaz / Fid-ho_Jerzan)
Vous nous raconterez :-) moi j'ai juste cherché un endroit où il y a des chamans, faut pas qu'on perde le Nord :-)
Lix- Messages : 862
Date d'inscription : 05/08/2024
Fid-ho LAKHA aime ce message
Re: Nord (Titi_Zêvé / Jean Paul / Lix_Drekaz / Fid-ho_Jerzan)
Voilà :Jean Paul a écrit:Allez les filles un bon mouvement, on convainc Fido et on se fait un plan à 5.
En insistant un peu ,Tinouch nous fait quelques illustrations.
La neige
Tinouch- Messages : 139
Date d'inscription : 08/08/2024
Titi aime ce message
Re: Nord (Titi_Zêvé / Jean Paul / Lix_Drekaz / Fid-ho_Jerzan)
Tinouch a écrit:Voilà :Jean Paul a écrit:Allez les filles un bon mouvement, on convainc Fido et on se fait un plan à 5.
En insistant un peu ,Tinouch nous fait quelques illustrations.
Ah ah ah ! Quel humour, Tinouch!
La neige
Fid-ho LAKHA- Messages : 471
Date d'inscription : 07/08/2024
Jean Paul- Messages : 172
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Jean Paul- Messages : 172
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Re: Nord (Titi_Zêvé / Jean Paul / Lix_Drekaz / Fid-ho_Jerzan)
Quelle réactivité, Göm ! Bravo!
Fid-ho LAKHA- Messages : 471
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Re Histoire en construction :Nord
Voici, après un petit détour en Mandchourie et un voyage dans le passé, la ponte de Jerzan.
Ne pas lâcher...La tête raidie, mâchoires crispées, membres paralysés, je sombre, je ne sais plus qui je suis...
Ils m'appelaient Ho-Keu...Elle disait: “ça fait plus local” ...
On les a conduits jusqu'à Shan Dan...60 orphelins...J’y reviens pour retrouver Li-Wei... J'y suis peut-être, déjà?. On dit que là bas le froid fait tomber le nez...
On avait fui Huang Shi, pour échapper à quoi?..
Je revois les soldats chinois, fusillés, entassés sur les rives du Yang Tse kiang, me jeter leurs grimaces au visage; et les corps des femmes et enfants de Nankin, mutilés par les fous de l'armée du Japon...
Je m'endors parmi les cadavres, ma couche douce, légère, flotte dans une lumière diffuse et blanchâtre... J'étais reporter...Elle était infirmière... HOGGHE... Je m'appelle James HOGGHE...
Ne pas lâcher...La tête raidie, mâchoires crispées, membres paralysés, je sombre, je ne sais plus qui je suis...
Ils m'appelaient Ho-Keu...Elle disait: “ça fait plus local” ...
On les a conduits jusqu'à Shan Dan...60 orphelins...J’y reviens pour retrouver Li-Wei... J'y suis peut-être, déjà?. On dit que là bas le froid fait tomber le nez...
On avait fui Huang Shi, pour échapper à quoi?..
Je revois les soldats chinois, fusillés, entassés sur les rives du Yang Tse kiang, me jeter leurs grimaces au visage; et les corps des femmes et enfants de Nankin, mutilés par les fous de l'armée du Japon...
Je m'endors parmi les cadavres, ma couche douce, légère, flotte dans une lumière diffuse et blanchâtre... J'étais reporter...Elle était infirmière... HOGGHE... Je m'appelle James HOGGHE...
Dernière édition par Fid-ho LAKHA le 05.09.24 9:43, édité 4 fois
Fid-ho LAKHA- Messages : 471
Date d'inscription : 07/08/2024
Dolo Tarras aime ce message
Re: Nord (Titi_Zêvé / Jean Paul / Lix_Drekaz / Fid-ho_Jerzan)
Je pensais bien que Fid-ho allait faire prendre d'entrée un sacré virage à l'histoire :-)
le "je ne sais plus qui je suis" est relatif à la situation passée qui lui revient en pleine tête je pense ? une phrase de transition pour amener le souvenir serait peut-être bienvenue ?
le "je ne sais plus qui je suis" est relatif à la situation passée qui lui revient en pleine tête je pense ? une phrase de transition pour amener le souvenir serait peut-être bienvenue ?
Lix- Messages : 862
Date d'inscription : 05/08/2024
Fid-ho LAKHA aime ce message
Re: Nord (Titi_Zêvé / Jean Paul / Lix_Drekaz / Fid-ho_Jerzan)
Hé hé…Le voyage m’a inspirée ! En fait, il ne sait plus qui il est, car le cerveau s'engourdit... Il commence à sombrer... Viennent ensuite les images de ce qu'il a fui avec les "orphelins", il y a 40 ans...
Dernière édition par Fid-ho LAKHA le 05.09.24 9:41, édité 1 fois
Fid-ho LAKHA- Messages : 471
Date d'inscription : 07/08/2024
Re: Nord (Titi_Zêvé / Jean Paul / Lix_Drekaz / Fid-ho_Jerzan)
ok, ok ! qui prend la suite ?
Lix- Messages : 862
Date d'inscription : 05/08/2024
Re: Nord (Titi_Zêvé / Jean Paul / Lix_Drekaz / Fid-ho_Jerzan)
J’ai rajouté 2 mots…Voyez si ça passe mieux…Lix a écrit:ok, ok ! qui prend la suite ?
Fid-ho LAKHA- Messages : 471
Date d'inscription : 07/08/2024
Lix aime ce message
Lix- Messages : 862
Date d'inscription : 05/08/2024
Re: Nord (Titi_Zêvé / Jean Paul / Lix_Drekaz / Fid-ho_Jerzan)
Oh mais alors là, faut sacrément se documenter, j’ai l’impression !
Titi- Messages : 171
Date d'inscription : 08/08/2024
Localisation : Perpignan
Fid-ho LAKHA aime ce message
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